Chiara Pogneaux lors du slalom de Lienz fin décembre
Dossier

Chiara Pogneaux : « On ne s’attendait à rien, c’est fou ce qu’on fait ! »

Constance Vignaud
30.01.2024

Présentes à tour de rôle en deuxième manche sur tous les slaloms depuis le début de l’hiver, les Françaises sont à un niveau que l’on n’imaginait pas. Elles ne sont pas les meilleures mais l’attitude générale du groupe leur permet de jouer sur la piste.

Février 2023, après sa 15e place sur le slalom des Mondiaux à Méribel, Nastatia Noens annonce la fin de sa carrière. Alors âgée de 34 ans elle portait les tricolores depuis de nombreuses années. De l’aveu de Marie Lamure, « le slalom féminin français était un peu à l’abandon. » La quatrième du parallèle de Méribel se satisfait que ce ne soit plus le cas. « On pensait qu’en enlevant les meilleures on trouverait, cachée, un déplorable forêt. Mais finalement l’équipe est belle. » Depuis le début de l’hiver elles sont sept sur le circuit Coupe du monde à se tirer la bourre. Jusqu’ici cinq sont déjà rentrées en deuxième manche et l’atmosphère qui règne dans cette équipe n’y est pas pour rien.

« On parle clairement d’exploit quand on voit leurs dossards. »

Vincent Blum, entraîneur

 

Une éclosion surprise

La saison passée en dehors de Nastasia Noens, seules Chiara Pogneaux et Marie Lamure avaient marqués quelques points. Mais cette dernière s’était surtout démarquée par sa quatrième place mondiale à Méribel. « J’ai vécu un début d’hiver difficile. Avec ce gros résultat et le départ de Nasta j’ai senti que les yeux se rivaient un peu sur moi. Ça a pris une grosse ampleur, je me suis mise une énorme pression. » La Courchevelloise avait perdu son « amusement sur les skis », la clé pour réussir. Ça n’a pas duré longtemps. Après quatre sorties sur autant de slaloms, Marie Lamure a pris conscience qu’elle n’avait pas « tout le poids sur [ses] épaules et que l’équipe est super belle ». Le soulagement de voir que tout le monde skie à son niveau, sans se poser de question, a libéré la Française qui enchaîne les qualifications.

« On ne s’attendait à rien, c’est fou ce qu’on fait ! »

Chiara Pogneaux

Marie Lamure, ski alpin, slalom féminin, Les Sportives

Marie Lamure leader de l’équipe de France de slalom féminin @Zoom

Si la jeune de 22 ans était dans le dur, on ne peut pas en dire autant de ses coéquipières. « Je ne m’attendais pas à performer comme ça », avoue Chiara Pogneaux, 24e et 13e des premiers slaloms à Levi. Elle est d’ailleurs vite suivie par Marion Chevrier, Clarisse Brèche et Caitlin McFarlane qui passent toutes le cut des 30 qualifiées pour la deuxième manche. « On parle clairement d’exploit quand on voit leurs dossards (souvent au-delà des 601En slalom le dossard est attribué en fonction du classement de la discipline. Pour bénéficier d’un dossard inférieur à 31 il faut être dans les 30 meilleures mondiales. Donc les skieuses qui n’ont pas assez de points elles ont des dossard très élevés et bénéficient souvent d’une neige plus abîmée. Même si Chiara Pogneaux souligne que cet hiver les pistes sont très bien préparées et que les dernières ont les mêmes chances que les premières.) », pour Vincent Blum, un entraîneur très fier de ses athlètes. « Pour l’instant ce sont les Françaises qui rentrent. Elles sont en train de se réveiller. »

Sur les trois derniers slaloms, autant de Bleues sont passées en deuxième manche. De quoi rêver plus grand ? « Je suis persuadée qu’un jour on va toutes rentrer et ça va faire quelque chose », Chiara Pogneaux. « On ne s’attendait à rien, c’est fou ce qu’on fait ! » La joie débordante de la meilleure Française de l’hiver est bien visible. 21e au classement de la discipline, premier top 10 en Coupe du monde il y a deux semaines, elle peut aller chercher les finales où seulement les 25 plus fortes participent. Le signe que les tricolores se font leur place.

⏩ À lire aussi : Tessa Worley à la UNE du magazine N°25

A Kranjska Gora, les filles ont eu une agréable surprise. « On se promenait dans la ville (sûrement pour faire du shopping, une passion de Chiara Pogneaux) et on a croisé les Croates, Zrinka Ljutić et Leona Popović, raconte Marie Lamure. Elle nous a dit « Je suis vraiment contente pour vous, votre équipe se reconstruit et on vous redoute un peu plus ! » ». Venant de deux têtes d’affiche du slalom féminin, le compliment n’est pas anodin.

« On a que des phénomènes dans notre équipe, on ne s’ennuie jamais ! »

Marie Lamure

L’équipe de copines

La réussite de collectif vient surtout d’une « grosse progression du groupe à l’intersaison, selon Vincent Blum. Les filles ont pris conscience de ce qu’était le haut niveau. Et surtout elles ont compris que plus le groupe allait être fort, plus elles le seraient individuellement. » A chaque entraînement ou compétition elles se tirent la bourre. « Ce qui fait la différence c’est notre équipe ultra saine, rajoute Marie Lamure. On ne veut que le bonheur des unes et des autres. On veut réussir individuellement c’est normal mais on a aussi envie de réussir en équipe. » Une volonté qui se voit à chaque course. Désormais quand les premières ont terminé elles regardent avec attention la manche de leurs copines avec une bonne dose de stress en espérant que ça va passer.

Nées entre 1999 et 2002, « la jeunesse » comme la mentionne leur entraîneur va plus loin qu’un groupe de coéquipières. « On est des supers amies », raconte Marie Lamure. Aucun doute quand on connaît leurs occupations sur leur temps libre. « On a chacune des choses qu’on aime à côté du ski : se promener, courir, faire les magasins. Et on est toujours par deux ou trois. Mais ce qu’on aime toutes c’est le spa. Donc quand on a la chance d’en avoir un dans l’hôtel on a vite fait de prendre notre maillot et d’y aller. C’est là qu’on se raconte tous les potins. » Avec son rire communicatif on comprend mieux comment les filles restent fraîches mentalement. « Et on a que des phénomènes dans notre équipe, on ne s’ennuie jamais ! » Sans aucun doute la skieuse de Courchevel s’inclue dedans, « on rigole bien entre nous ».

⏩ À lire aussi : Biathlon : Qui est Jeanne Richard l’étoile montante de l’équipe de France ?

« On manque encore un peu de régularité sur deux manches. »

Vincent Blum

2030 dans le viseur

Avoir une génération aussi homogène et soudée permet d’envisager un grand futur pour cette « belle équipe », comme aiment si bien le dire les filles. « La concurrence dans le groupe nous pousse et ça crée une vraie émulation », constate Chiara Pogneaux. Attention ensuite à ne pas brûler les étapes trop vite, elle rappelle que « même si derrière tout est possible, les cadors sont bien installées devant ». Vincent Blum sait que « Shiffrin est encore loin pour aller la titiller régulièrement mais sur une ou deux courses pourquoi pas ». Toutefois les filles sont conscientes des manques qu’il reste à combler, elles sont encore « en construction ». Mais il connaît leur potentiel, « elles sont joueuses à l’entraînement et en course, mais on manque encore un peu de régularité sur deux manches ».

« On veut aller chercher des top 10, des top 5 régulièrement. »

Vincent Blum

A la fin de la saison elles seront toutes prêtes pour retourner à l’entraînement, être la meilleure devant les copines avec des objectifs bien précis. « On veut aller chercher des top 10, des top 5 régulièrement. Et pas seulement avec une fille mais avec tout le groupe. On veut arriver à amener une vraie densité. » Pour que les résultats soient présents, Vincent Blum est bien épaulé par tout un staff. « C’est l’ensemble qui fait que ça marche. Les coaches (Fabrizio Martin l’accompagne sur la partie technique), les techniciens (Maxime Chambard et Valentin Gaultier, le préparateur physique Florian Buscarini) font tous un super boulot. » 

Leur première grosse échéance sera l’hiver prochain avec les Mondiaux à Saalbach (Autriche) puis les Jeux olympiques 2026. Et enfin, le but ultime de toutes ces jeunes filles : les JO 2030 à la maison. Mais on n’y est pas encore. Vincent Blum martèle que « le chemin est encore long » pour jouer devant. Ce qui ne décourage pas les filles. Pour le moment elles n’attendent qu’une chose : que Chiara fasse une très grosse manche pour ne pas être en sursis et se retrouver éjectée par ses coéquipières parties derrière…

⏩ À lire aussi : Les stations de montagne déjà dans l’adaptation au réchauffement climatique

 

Notes

  • 1
    En slalom le dossard est attribué en fonction du classement de la discipline. Pour bénéficier d’un dossard inférieur à 31 il faut être dans les 30 meilleures mondiales. Donc les skieuses qui n’ont pas assez de points elles ont des dossard très élevés et bénéficient souvent d’une neige plus abîmée. Même si Chiara Pogneaux souligne que cet hiver les pistes sont très bien préparées et que les dernières ont les mêmes chances que les premières.
Constance Vignaud
30.01.2024

Vous avez relevé une coquille ou une inexactitude dans ce papier ?
Proposez une correction à notre rédaction.