Chroniques des ambassadrices

Camille Serme : « Sportive de haut niveau ou maman : pourquoi devrait-on choisir ? »

Camille Serme
08.08.2023
Chronique de Camille Serme, ancienne joueuse professionnelle de squash. Douze fois championne de France et six fois championne d’Europe individuelle. En 2015, elle est la première Française à remporter le British Open, en 2016 à remporter l’US Open et en 2017 à remporter le Tournament of Champions, ce qui lui permet d’atteindre la seconde place au classement mondial en février 2017. Elle remporte à nouveau le tournoi des champions en janvier 2020.
 
Devenir Maman…
 
Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours voulu devenir maman : ressentir un petit être à l’intérieur de moi, voir mon ventre grossir au fil des mois, vivre la parentalité à deux, découvrir une nouvelle facette de soi et de son compagnon (ou compagne), et puis un jour entendre ce mot : « Maman » de la bouche d’un enfant. Mon métier, et ma passion pendant des années, étaient sportive de haut niveau en squash. Ma vie entière était orientée vers la performance : entrainements, sommeil, alimentation, soins médicaux. Tout ça avec l’aide d’une équipe complète pour m’aider dans ce projet et me pousser à être la meilleure, jusqu’à être numéro 2 mondiale.
 

Le sport à l’épreuve de la maternité

Mais qu’en était-il du statut de femme ? Est-ce que quelqu’un, un jour, m’a posé la question : « Aimerais-tu devenir maman ? Et si oui, comment envisagerais-tu ta grossesse ? » Aujourd’hui, enceinte de 7 mois, je me pose des questions à ce sujet : pourquoi aucune institution, aucun membre de mon équipe technique ou médical, aucun sponsor, ne m’a un jour posé cette question ? Est-ce que personne n’avait cela à l’esprit ? Est ce qu’il y a une crainte de la réponse ? Est-ce que le sport de haut niveau nécessite d’oublier l’individu, homme ou femme, afin de ne se concentrer que sur l’athlète ? Si un désir de parentalité était abordé, est ce que cela signifierait la perte de notre athlète, de notre fruit de travail collectif et d’un produit d’image et de finance ? Peut-être que j’avais, et nous avions, trop la tête dans la performance et que celle-ci prenait le dessus. L’espace professionnel inhibe-t-il ce thème central de la vie ? Encore un parallèle que nous pouvons faire entre le sport de haut niveau et le monde de l’entreprise, d’ailleurs.
 
Si on ne le lui demande pas, cela ne se fera peut-être pas… Mais personne n’a un jour considéré que je pouvais avoir des envies de femme et non pas seulement d’athlète de haut niveau. Nous sommes avant tout des êtres humains, et je me rends compte qu’il y a un réel manque d’information dans le sport en France à ce sujet. Je trouve cela surprenant. Pourtant, certaines athlètes montrent qu’il est possible de faire un enfant et de revenir ensuite au plus niveau : dans ma discipline, je pense à Nathalie Grinham et Nour El Tayeb, en judo à Clarisse Agbegnenou, en basket à Valériane Ayayi-Vukosavljevic.
 
 

L’entourage, un paramètre indispensable à la maternité 

Ce sont des exemples, parmi plein d’autres, de femmes inspirantes, fortes, qui arrivent à concilier la parentalité et leur passion. Selon moi, tout ceci est possible grâce à l’aide d’un entourage très disponible, qui les soutient de A à Z dans ce projet, sur qui elles peuvent compter quoi qu’il arrive. C’est un travail d’équipe, comme dans leur projet sportif. Mais je ne trouve pas normal qu’aujourd’hui en France, il n’y ait pas un meilleur accompagnement de la part des fédérations, des clubs, des staffs, pour ces femmes qui souhaitent devenir maman.
 
Il me semblerait judicieux de préparer cela en amont, d’en discuter, d’informer, d’accompagner les femmes avec des professionnels tels que des sages femmes, gynécologues, thérapeutes, qui connaissent aussi bien la maternité que le sport de haut niveau. J’aurai aimé avoir accès à cela dès l’adolescence, période compliquée où l’on se pose déjà beaucoup de questions de manière générale : que se passe-t-il avec ce corps que je redécouvre alors que je l’entraine tous les jours ? Que vais-je faire plus tard ? Est-ce que je m’investis totalement dans le projet sportif ? Suis-je prête à faire les concessions nécessaires ?
 
 

Beaucoup de questions sans réponses

Alors imaginez pour une femme, qui doit gérer ses menstruations à l’entrainement comme en compétition, tout en étant performante. Qu’en plus, elle fasse cela en ayant une zone d’ombre sur le fait de savoir si un jour elle aimerait devenir maman, si cela serait possible tout en continuant le sport de haut niveau, comment elle pourrait être accompagnée, comment intégrer cette partie de la vie… Et avec tout ça, continuer ! Je trouve qu’il y a encore trop de sujets « tabou » dans notre société sportive. Nous ne devrions pas avoir à choisir entre le sport de haut niveau ou la maternité. J’espère que les meurs vont échanger, évoluer, pour que les sportives de haut niveau soient écoutées et comprises en tant que femmes.
 
Camille Serme
08.08.2023

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