À la rencontre des sportives

Camille Serme, la pépite du squash français

Daphne Lemercier
29.11.2019

9 fois championne de France et 6 fois championne d’Europe individuelle. En 2015, Camille Serme est la première Française à remporter le British Open, en 2016 l’US Open, et en 2017 le Tournament of Champions. Ce qui lui permet d’atteindre la seconde place au classement mondial en février 2017. En 2019, elle est actuellement dans le Top 5 mondial de squash. Rencontre. 

Les Sportives : Comment est né ton amour pour le squash ?

Camille Serme : Je faisais du mini-tennis avec ma meilleure amie Coline (Aumard, la n° 2 française) dans un club omnisports à Créteil sur la région parisienne. À l’âge de 7 ans, elle a voulu essayer le squash et je l’ai suivie. Les terrains étaient côte à côte, on a de suite été repérées par l’entraîneur, qui n’était autre que Philippe Signoret (actuel entraîneur de l’équipe de France). On est restées toutes les deux et maintenant on est n° 1 et 2 françaises. Le squash n’est pas une histoire de famille à la base car même si mon père avait déjà essayé, il était plutôt basketteur. Mon petit frère m’a suivie après, mais il était plus jeune. Et ma mère quant à elle, elle adore plein de sports, mais seulement à regarder (rires).

 

Quelle est l’évolution du squash féminin en France ?

En fait c’est marrant, le squash féminin français a un peu gravi les échelons en même temps que nous. À l’époque Philippe était juste entraîneur de club, ensuite il a lancé le mini-squash, puis c’est devenu un pôle espoir pour les jeunes. Avec Coline on était en équipe de France junior et quand on est passées seniors il est devenu sélectionneur de l’équipe de France senior.

Peux-tu nous faire partager une journée à tes côtés, quand tu es en France ?

J’ai 2 à 3 entraînements dans la journée. Depuis cet été, on a un nouveau préparateur physique donc il y a au moins une séance avec lui par jour, soit à la salle, soit sur la piste ou soit des marches. En plus, je peux avoir 1 ou 2 entraînements spécifiques squash. J’ai aussi une séance de yoga et de pilates par semaine. Ça c’est ma démarche personnelle. Chaque cours est indivuel et adapté à la pratique du squash. Le pilates, j’ai commencé suite à une blessure au dos, pour vraiment le renforcer, ainsi que mes abdos et pour l’instant ça tient bien. Le yoga c’était pour la souplesse, la respiration, le stress et c’est vraiment bien.

J’ai eu la chance d’être assez rapidement dans le top 10 mondial, et dans le top 10 on peut vivre du squash.

Quel staff t’accompagne sur les compétitions ?

Avec les filles du pôle on a Philippe en commun et le préparateur physique. De mon côté, j’ai une équipe un peu plus complète, mais c’est moi qui les sollicite toute seule, sans l’aide financière de la Fédération. C’est assez restreint. Il y a Philippe, et encore il n’est pas toujours là, et le kiné. Si on peut faire venir d’autres personnes, on essaye mais ce n’est pas évident. Même pour le kiné ce n’est toujours simple car il a son cabinet, mais il arrive quasiment tout le temps à se libérer. C’est l’inconvénient des sports individuels, tu dois réquisitionner une personne pour une personne. Il faut être honnête, s’ils acceptent c’est parce qu’ils nous apprécient, ce n’est pas pour l’aspect financier mais pour l’aventure humaine.

 

À partir de quand as-tu pu réellement vivre du squash ? 

J’ai eu la chance d’être assez rapidement dans le top 10 mondial, et dans le top 10 on en vit. Les prize money sont suffisamment bons pour en vivre. Les sponsors, quant à eux, nous permettent notamment de financer les trajets pour les différents tournois internationaux.

En tant que sportive, quelle reconnaissance as-tu au sein du mouvement sportif français ?

J’ai de la chance d’être dans le groupe des étoiles du sport, ça m’a permis de gagner pas mal en notoriété. Sans ça, on ne me connaitrait pas. Car le squash n’est ni un sport olympique, ni à l’INSEP, dans les journaux on n’en parle pas souvent et à la TV on n’en parle jamais. À la limite sur les chaînes locales peut-être, mais jamais sur les chaînes nationales. Donc je suis un peu connue grâce aux étoiles du sport et par les réseaux sociaux également. En fait, je m’aperçois que ceux qui se mettent au squash s’intéressent plus qu’avant à celles et ceux qui représentent leur sport en France. Avant, dans certains clubs je passais clairement incognito, alors que maintenant ce n’est plus le cas.

Et dans la vie de tous les jours, tu passes incognito ?

Oui ! (rires). Ça a dû m’arriver deux, trois fois que quelqu’un me reconnaisse mais vraiment par hasard. Par contre ça dépend des pays, en Égypte comme c’est le sport national, lors des tournois, je signe pas mal d’autographes. Pas dans la rue mais sur le lieu du tournoi, les enfants viennent me demander, c’est super mignon. Les moins jeunes viennent aussi me demander pour prendre une photo avec moi, c’est sympa. En ce moment je suis aussi pas mal sollicitée. C’est la première fois que j’en ai autant en France, c’est chouette.

Camille Serme remporte l’Open de Nantes en 2019. Crédits : MIKPHOTOS

Tu as aussi pris une autre dimension depuis quelques temps, non ?

Je ne sais pas trop mais en tout cas c’est un évènement où les gens sont super enthousiastes. Il y a du monde et ils sont hyper contents de demander une photo ou un autographe. C’est sympa, ça change ! Habituellement c’est vrai que je ne suis pas assaillie. Mais j’en parlais justement avec Philippe (son entraîneur), parce que j’ai quand même pas mal de sollicitations en étant tête de série n° 1 du tournoi mais je dois aussi faire attention à ne pas perdre trop d’énergie. Aujourd’hui par exemple, je n’ai pas pu organiser ma journée exactement comme je le voulais. Donc Philippe m’a dit « demain tu te concentres seulement sur ton match et c’est tout, tu dis non à tout ce qu’on te demande parce que sinon tu vas perdre du jus, et c’est comme ça que tu peux perdre un peu prématurément ». Je n’aime pas dire non et ça me fait plaisir de faire tout ça mais c’est aussi important que je sois dans ma routine et il ne faut pas que j’oublie l’essentiel et mes objectifs.

Ce tournoi en France était important pour toi ?

Oui. C’était important pour le tournoi, pour l’image du squash français. Et même pour moi, ça m’a mis un petit challenge car ça faisait un moment que je n’avais pas gagné de tournoi en étant tête de série n°1. En plus c’était en France donc c’était d’autant plus sympa de pouvoir jouer devant mes proches et mon public.

Quelles sont les valeurs que tu souhaites véhiculer à travers le squash ?

Je trouve qu’en règle générale, le sport c’est vraiment l’école de la vie, on y apprend le respect des règles et le respect de l’autre. Pour moi c’est aussi le dépassement de soi. C’est plein de valeurs qui sont essentielles à la vie de tous les jours et je ne pourrais pas vivre sans ça c’est certain. Sans oublier le plaisir ! Parce que tu peux vite l’oublier quand tu deviens professionnelle. C’est ton quotidien donc des fois tu négliges le fait que c’est un jeu aussi et qu’il faut prendre du plaisir avant tout.

 

Quelles sont tes aspirations à moyen et long terme ?

Être n° 1 c’est mon rêve de toujours. Mais s’il fallait choisir je dirais championne du monde avant, parce que pour moi c’est « plus accessible ». Pour devenir n° 1, il faut vraiment être régulière et être au top sur toute une saison. C’est vraiment quelque chose d’extraordinaire pour celles qui y arrivent. La n° 1 actuelle, l’année dernière elle n’a pas perdu un match avant les demi-finales à Nîmes. C’est vraiment incroyable, elle n’a quasiment pas fait de contre-performances. Comme j’ai déjà réussi à gagner des gros tournois, je me dis pourquoi pas le championnat du monde, ça peut très bien se refaire sur ce tournoi là. C’est dur mais je travaille aussi pour ça (rires).

D’ailleurs, comment gères-tu tous ces voyages et ces déplacements dans ta vie de femme ?

Mes proches viennent me voir souvent. Ils prennent rendez-vous à l’avance avec un planning pour me suivre et ils mettent des croix quand ils savent que je suis là (rires). C’est pas toujours facile. Des fois j’ai vraiment envie d’être chez moi, pour me poser, être avec mon mari, voir mes ami(e)s, ma famille. Certain(e)s, ça fait des mois que je ne les ai pas vu(e)s. Ce qui est chouette, c’est que mes proches le comprennent et ils ne me le reprochent pas. Cela rend les moments où l’on se voit sont encore plus intenses et plus denses. Je suis bien entourée, j’ai de la chance !

Et tu ne peux pas te permettre de prendre davantage de temps de repos ?

C’est compliqué parce qu’on perd vite. J’ai 10 à 15 jours de vacances en juin, une petite semaine à Noël et après il faut s’entraîner. Et cet été par exemple, les entraînements étaient tellement intenses que même si j’étais à la maison, je ne suis pas beaucoup sortie. Parce qu’il faut gérer les heures de sommeil pour assurer les séances du lendemain, des repas équilibrés, etc. Les entraînements sont beaucoup plus soutenus hors compétition. Quand je suis à la maison, je suis fatiguée par le rythme et je culpabilise si je fais des abus parce que je sais que je vais le payer direct sur le terrain derrière.

 

En tant que femme, comme se passe une grossesse dans le milieu du squash ? Le classement est-il gelé par exemple ?

Je ne sais pas trop parce qu’il y en a très peu qui l’ont fait. Une seule a réussi à revenir dans le top 10 mondial. Globalement, il y en a très peu qui ont un bébé et qui reviennent, c’est plutôt en fin de carrière. Le sport évolue tellement vite et le niveau est tout le temps en train de s’élever donc pour revenir c’est vraiment très difficile. Mais j’avoue que je ne me suis pas encore renseignée à ce sujet (rires).

Selon toi, pour qu’il y ait de nouvelles pépites françaises qui arrivent à accéder au top 10 mondial, qu’est ce qui dynamiserait davantage la discipline ?

Si je compare avec l’Égypte par exemple, ils ont un gros vivier avec beaucoup de jeunes qui jouent. En France, il faudrait qu’il y ait plus de pratiquant(e)s dans un premier temps, plus de licencié(e)s et plus de jeunes. Il faut aussi plus de formateurs/trices, de coach(e)s et que l’on soit assez ouverts d’esprit par rapport à la manière d’entraîner. Nous on entraîne plutôt à l’européenne, voire comme les anglais, mais il faut davantage s’ouvrir sur sur ce que proposent les égyptiens. Il faut aller chercher des trucs là où ça marche et ne pas se focaliser qu’à une seule manière de faire. C’est justement ce que Philippe essaye de mettre en place mais ça prend du temps forcément.

Daphne Lemercier
29.11.2019

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