Photo Catherine Moyon de Baecque - CNOSF
À la rencontre des sportives

Catherine Moyon de Baecque : « Des milliers de victimes de violences sexuelles se taisent »

Assia Hamdi
14.04.2023

Première athlète à avoir dénoncé des faits de violences sexuelles en milieu sportif, Catherine Moyon de Baecque co-préside la Commission de Lutte contre les violences sexuelles et discriminations au sein du CNOSF. Sur le sujet, il reste beaucoup de travail à accomplir.

Elle a été la première sportive à donner l’alerte. Athlète en lancer de marteau, Catherine Moyon de Baecque a subi en 1991 une agression sexuelle lors d’un stage avec l’équipe de France. Or, elle n’a pas obtenu de soutien de sa fédération et a décidé de porter l’affaire en justice, laquelle lui a donné raison. En cassation, la responsabilité de l’État est aussi reconnue. Exclue du monde sportif voire même isolée, elle est depuis septembre 2021 co-présidente de la Commission de lutte contre les violences sexuelles et discriminations au sein du Comité national olympique et sportif français (CNOSF). En ce début avril, l’instance organise ses premières Assises internationales.

Les Sportives : Quand on vous a proposé cette mission, l’avez-vous tout de suite acceptée ?

Catherine Moyon de Baecque : Oui. J’ai subi des pressions, des menaces de mort, des mises à l’écart, de la maltraitance institutionnalisée pendant 20 ans, en étant bannie du sport français, de l’État et de la société. Mais je n’ai pas réfléchi longtemps. Je me suis dit que je ne devais pas être égoïste et que je devais porter cet espoir, cet engagement, pour que des enfants, des ados, et des adultes ne vivent plus ces agressions, qui sont des crimes et des délits. J’ai aussi senti que je pouvais m’engager aux côtés de Brigitte Henriques. Une chose que je n’ai jamais dite, c’est qu’elle est la seule à avoir fait quelque chose pour moi en me nommant à la tête de cette commission.

Pour la première fois de l’histoire, la justice a reconnu la responsabilité fédérale et de l’État. Mais comme ce sont des lanceurs de l’équipe de France, ils ont continué à être protégés et à participer aux Jeux olympiques, aux championnats d’Europe, du monde… Et les victimes, comme moi, devaient se taire. Ce qui est anormal, c’est qu’on ne m’a pas protégée. Le plus important, c’est donc de donner un message fort. De montrer que dans le sport, comme dans la société, maintenant, c’est terminé.

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En préambule de notre entretien, vous avez précisé que la courbe des violences augmentait…

La libération de la parole a fait beaucoup. Mais il y a des milliers de victimes qui ne parlent pas encore. Les chiffres donnés ont le mérite d’exister mais il faudrait les multiplier par dix, voire plus… L’ampleur de ces violences est considérable, alors que le sport est source de bienfait et doit aider à s’épanouir.

Il faut inverser cette courbe, ce serait déjà un grand pas en avant. J’ai échangé avec Pascal Boniface (directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques, IRIS, ndlr), pour savoir à quel niveau se situe la France. On a été vraiment très bas, et on est désormais dans la moyenne. C’est bien, mais on ne peut pas s’en satisfaire. D’où l’intérêt de voir ce qui fonctionne pour lutter contre ces violences. Ensuite, le rôle du CNOSF va être de donner une ligne politique à suivre dans les comités régionaux, départementaux et territoriaux.

Quel message vous souhaitez aujourd’hui transmettre aux victimes ?

Que le CNOSF est désormais un acteur prioritaire de cette lutte. Tous les sportifs, les encadrants, les dirigeants, bref, l’ensemble du sport français peut s’adresser au CNOSF. Je souhaite dire que je suis là, que la présidence est là, et que notre commission est là. Alors évidemment, on ne va pas gérer les situations au cas par cas. Mais notre rôle est de mettre en lien les victimes avec des structures adaptées pour les orienter. Il faut que tout le monde sache que c’est désormais la priorité du CNOSF, et cela change beaucoup de choses. C’est important que les fédérations sachent qu’on les écoute et qu’elles ne sont pas abandonnées. Et que désormais, aucune victime ne sera laissée pour compte.

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Assia Hamdi
14.04.2023

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