Marie Martinod a vécu ses premiers Jeux olympiques au poste de commentatrice
À la rencontre des sportives

Marie Martinod, de la médaille olympique au commentaire sportif

Claire Smagghe
04.03.2022

Pionnière du half-pipe en ski, médaillée d’argent des Jeux de Sotchi et à nouveau vice-championne olympique à PyeongChang en 2018, Marie Martinod a vécu une nouvelle olympiade à Pékin. Cette fois au poste de commentatrice.

« Vivement Milan-Cortina. » Marie Martinod se voit déjà aux prochains Jeux olympiques. L’aventure terminée à Pékin, c’est l’heure du bilan avec l’ancienne skieuse déjà bien connue sur les antennes de La chaîne L’Équipe.

Les Sportives : Vous avez vécu vos premiers premiers Jeux olympiques au poste de consultante pour France TV, qu’est ce qui vous a fait passer de l’autre côté ? 

Marie Martinod : Passer de l’autre coté, c’est plutôt cool. Même si ce sont mes premiers Jeux, cela fait quand même quatre ans que je suis aux commentaires pour La chaîne L’Équipe. Là, pouvoir le faire en rediffusion ou en live au travers du canal de France Télévisions, à des heures de grande écoute, c’est hyper plaisant. J’avais l’impression de pouvoir expliquer notre discipline et ses protagonistes. Retourner aux Jeux c’est toujours chouette. Je me sentais à ma place, je n’ai pas eu de nostalgie particulière. J’étais bien en cabine de commentaires.
 

Qu’est-ce que vous appréciez le plus au fond dans ce nouveau job ? 

Je trouve cela chouette de toujours être dans le milieu et être au fait de ce qui se passe, continuer à suivre les athlètes et toutes les disciplines que je commente sur les circuits de coupe du monde. Donc cela en fait un paquet. Et comme cela ne fait pas très longtemps que j’ai arrêté, je suis des gens que j’ai connu de près que ce soit en freestyle pure, en pipe et en slopestyle mais aussi en ski cross et en snowboard. C’est super agréable de continuer à suivre ces athlètes que je connais bien. Et il faut dire aussi que c’est top de gagner sa vie en continuant à se servir de sa passion au même titre que quand je faisais du ski. C’est dans la continuité.

Certains athlètes sont désormais passés derrière le micro, comme Marie Dorin qui a aussi officié au poste de commentatrice. C’est quelque chose qui se fait naturellement ? C’est avant tout l’envie de transmettre qui vous anime ? 

Je n’ai pas l’impression que c’est si évident que ça parce que déjà, de prime abord, ce n’est pas quelque chose auquel les anciens athlètes pensent naturellement. Après ça se passe presque tout le temps sur Paris ou alors, à l’étranger pour les Jeux. Donc il faut avoir l’habitude et l’envie de passer ses weekends à Paris. Quand tu bosses la semaine, il faut encore aller bosser le weekend. Au final, je n’ai pas l’impression qu’il y ait beaucoup de consultants, même si La chaîne L’Équipe va beaucoup aller chercher les anciens athlètes pour les intégrer à leurs programmes. C’est très malin.
 
Qui de mieux que ceux qui viennent d’arrêter pour parler de ceux qui pratiquent encore ? L’envie de transmettre m’anime, c’est la plus belle partie du métier mais c’est aussi une façon de gagner ma vie dans un job dans lequel je me sens bien, en utilisant les qualités qui sont les miennes. Ce n’est pas facile, quand tu as passé une bonne partie de ta vie à faire du ski, un truc plutôt fun, de se reconvertir. Je n’avais pas envie d’être enfermée dans un bureau. 
 

On sent à l’antenne certains moments de complicité avec les athlètes au fur et à mesure des compétitions. Y a-t-il une forme de communion avec les athlètes tricolores qui s’installe ?

Oui, c’est vrai qu’il y a une complicité, parce que la plupart sont des athlètes que l’on a connu dans notre carrière. Et si tu fais bien ton job en tant que consultante, tu vas apporter ton expertise mais aussi des histoires et des anecdotes. Donc on passe beaucoup de temps à appeler les coachs, les athlètes et à trouver les petites informations en plus. Les athlètes sont les premiers contents d’avoir affaire à des anciens athlètes, qui peuvent raconter leur histoire sans qu’il n’y ait d’intérêts personnels. Il n’y a pas de déformations. 

Il y a beaucoup d’émotions pour les athlètes lorsqu’ils sont sur les Jeux. C’est souvent le rêve d’une vie. Vous n’êtes plus sur la piste, mais en tant que consultante, est ce que vous avez aussi été bercée par ces émotions que vous n’avez peut être pas connu en tant que sportive ? 

Franchement, c’est chaud. Il faut rester professionnelle, continuer à raconter la course, que ça se passe bien ou mal. Parfois c’est super dur parce qu’on est prise par ses émotions. On est même parfois surprise par ses émotions. On est des êtres humains faits de sentiments et on est tous connectés. Il faut rester soi. Parmi tous les commentaires que j’ai pu lire à mon sujet, il y a beaucoup de gens qui ont souligné l’objectivité mais qui apprécient aussi qu’on soit un peu chauvin quand les Français performent.

Mais tous sont assez unanimes sur le fait d’aimer ressentir nos émotions. En tout cas, je ne me suis pas du tout brimée. Je ne regrette pas de l’avoir vécu comme ça mais c’est beaucoup plus stressant de les regarder faire. Je n’ai jamais été aussi stressée en voyant Tess (Tess Ledeux a pris la médaille d’argent du big air, NDLR) balancer son premier saut sur le big air. J’étais beaucoup moins stressée quand j’étais au départ. 

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Qu’est ce qui fait que c’est si stressant ?

On ne maitrise pas. Quand c’était moi au départ, c’est moi qui avais les skis aux pieds, c’est à moi de gérer le run. Tu sais que si mentalement tu es bien stable ça doit pouvoir bien se passer. Et tu arrives à faire redescendre ta propre pression parce que tu peux t’appuyer sur des choses tangibles : les entrainements, la technique, etc. Derrière la télé, même si tu as eu les athlètes au téléphone, tu as peur pour eux. C’est de l’empathie à l’état pur. Maintenant, je comprends mieux ce que j’ai pu faire vivre à mes amis et ma famille [rire]. 

Quel a été votre moment préféré sur les compétitions que vous avez pu commenter ? Songez-vous déjà à renouveler l’expérience ?

Ce que j’ai préféré, c’était clairement la médaille de Tess. C’est la première fois que je commente une médaille olympique française, c’était oufissime. Après, il y a eu plein d’autres bons moments. On se faisait des pronostics avec les autres consultants et je suis quand même très souvent tombée juste. Je suis assez fière de mes coups, parce que je reste une vilaine compétitrice, j’aime bien gagner et avoir raison ! Je vais garder en mémoire que je suis très rarement tombée à côté de la plaque en ce qui concernait les résultats à venir.

C’est vraiment une expérience à renouveler, si France Télévisions me fait à nouveau confiance. Je suis bercée par l’olympisme, c’est mon truc. Ça me fait rêver et j’ai une petite tendance à aimer corriger les injustices, ou des choses qui peuvent être dites et qui se diffusent vite sur les réseaux sociaux. J’ai aimé être au cœur du réacteur notamment quand il a fallu réagir sur les rumeurs qui couraient autour du big air de Tess. Il commençait à sortir que les juges avaient mal fait leur job, que Tess aurait du gagner et qu’elle avait été mal notée par le Français. J’ai pris le temps sur Twitter de répondre à tous les gens qui m’avaient taguée, pour faire de la pédagogie et expliquer. Et pour cela c’est plutôt chouette, d’être au centre avec une voix qui peut porter et qui peut apporter de la nuance. 

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Propos recueillis par Claire Smagghe

Crédit photo : Capture France Télévisions

Claire Smagghe
04.03.2022

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