Les JO de Pékin ont été un désastre écologique.
Dossier

JO Pékin – Carmen De Jong : « Il faudrait utiliser des structures déjà existantes, réduire le nombre de disciplines ou encore de sites »

Ludivine Ducellier
24.02.2022

Les organisateurs des Jeux olympiques et paralympiques de Pékin 2022 promettaient des JO « les plus verts et les plus propres jamais réalisés ». Mais la réalité a rapidement pris le dessus, faisant voler en éclats la vitrine de durabilité vendue par la Chine. C’est l’analyse que fait la géographe Carmen De Jong de l’université de Strasbourg.

Pékin et ses paysages désertiques ont été, quatre semaines durant, le théâtre des 24ème Jeux olympiques et paralympiques d’hiver. Des JO analysés, à la loupe, par la géographe Carmen de Jong. Tapis de neige artificielle, forêts rasées… La Chine, qui annonçait organiser des Jeux respectueux de l’environnement, n’a pas fait illusion très longtemps. Partout, des bandes blanches détonnent avec le reste du paysage aux tons bruns. Une chose est sûre, les conditions étaient loin d’être optimales pour accueillir ces Jeux d’hiver 2022

Et pour cause, la région de Pékin est davantage connue pour ses hivers secs que pour ses chutes de neige – même si quelques flocons sont tombés durant la première quinzaine. Ce constat posé, nombreux sont ceux qui viennent rappeler que l’utilisation de la neige artificielle ne date pas d’hier. Mais à Sotchi ou à Pyeongchang, les organisateurs pouvaient compter sur une base de neige naturelle. Ensuite, et surtout, il ne s’agissait pas de régions semi-arides.

« Une aberration » pour Carmen De Jong

Pourtant en 2019, les organisateurs des JO de Pékin étaient clairs. Ils organiseraient « des Jeux respectueux de l’environnement, fédérateurs, ouverts et propres ». Sur le papier, la promesse était belle. Mais trois ans plus tard, la réalité ne colle pas vraiment avec les promesses annoncées. « C’est une aberration, lance Carmen De Jong, géographe à l’université de Strasbourg. L’hiver est la période où il y a le moins d’eau disponible en montagne, puisque de l’eau est sous forme solide, de glace ou de neige. Les niveaux des rivières sont très bas. On va pomper l’eau au moment où il y en a le moins. »

L’installation d’éoliennes, panneaux solaires et autres autocars électriques, ne suffiront pas à compenser l’utilisation abusive de neige artificielle. « Sa qualité est moins bonne que la neige naturelle. Elle contient plus de sels minéraux. En circulant dans les conduits, la qualité de l’eau va empirer, il y aura des résidus de diesels et ce cocktail sera ensuite renvoyé dans des réservoirs », ajoute la spécialiste. En fondant, la neige dégradera l’écosystème aquatique local, modifiera les sols. La végétation ne sera plus la même.

Mais qu’importe. L’objectif clé de Beijing 2022 est ailleurs : convertir plus de 300 millions de Chinois·e·s aux sports d’hiver. Une utopie pour Carmen De Jong. « Qui va descendre une piste avec une pente de cinquante degrés ? C’est déjà difficile pour un skieur avancé alors pour un débutant… C’est la même chose pour les tremplins ou pistes de bobsleigh : cela convient à un athlète de haut niveau, pas à une famille », se désole-t-elle.

Et d’ajouter : « On l’a vu sur d’anciens sites olympiques, l’entretien de ces structures coûte cher et certaines sont laissées à l’abandon. Sauf s’il y a un programme actif de compétition par la suite… » Pire encore, le schéma d’enneigement opéré pour les Jeux se reproduira chaque année. Difficile à imaginer lorsque l’on sait que Pékin « souffre déjà d’une pénurie d’eau. Il y aura des choix à faire au début de l’hiver. Est-ce que l’on enneige ou pas, car les barrages ne seront pas remplis à cause de la sécheresse », souffle la géographe.

Des JO de Pékin destructeurs de zones protégées

L’utilisation de la neige artificielle n’est qu’un exemple de l’incohérence écologique des JO de Pékin. Les réserves naturelles – qui plus est protégées – ont elles aussi souffert pour accueillir les kilomètres de pistes de ski. C’est le cas de celle de Songshan. « Nous avons créé des zones pour protéger des espèces menacées, et maintenant on leur enlève 25 % de leur territoire », dénonce Carmen De Jong.

La vice-championne olympique de snowboard cross Chloé Trespeuch pointe également l’utilisation abusive du plastique. « Tout était suremballé, jetable comme les assiettes, les couverts… J’ai l’impression que rien n’a été pensé pour alléger l’impact sur l’environnement et réfléchir à consommer plus durablement. Il y avait moyen de produire moins de plastique. On avait que des petites bouteilles au lieu d’avoir de grandes fontaines d’eau », regrettait la snowboardeuse dans une interview pour le site Ecolosport.

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Des JO d’hiver gourmands en énergie 

« Organiser des JO dans ces conditions est irresponsable, considère Carmen de Jong. Malheureusement, c’est une tendance qui a commencé à Pékin et qui se poursuivra dans d’autres lieux. » Gourmands en énergie, les sports d’hiver sont embarqués dans un cercle vicieux. Le réchauffement climatique encourage les organisateurs à recourir à la neige artificielle, qui contribue elle-même à la dégradation de l’environnement.

Alors comment tendre vers des compétitions hivernales plus respectueuses ? « Il faudrait utiliser des structures déjà existantes, réduire le nombre de disciplines ou encore de sites », annonce Carmen De Jong. Une direction qui ne sera visiblement pas empruntée dans quatre ans à Milan. « C’est une folie. Pourquoi ne pas retourner à Turin comme en 2006 plutôt que de détruire de nouveaux sites. Il n’y a pas assez de réflexion autour des impacts que peuvent avoir les Jeux. C’est la seule industrie qui se permet de faire n’importe quoi dans une période aussi délicate. Ils contribuent au changement climatique. Mais il y a tellement d’argent en jeu… C’est difficile de voir comment est-ce que ça pourrait s’améliorer. »

Crédit photo : CNOSF/KMSP

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Ludivine Ducellier
24.02.2022

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