Rachel Saïdi entraine le LOSC depuis 2019 et joue désormais son maintien en D1
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Joueuse un jour, entraineure le lendemain : le parcours atypique de Rachel Saïdi au LOSC

Mila Buchet
24.01.2024

En février 2019, la carrière de Rachel Saïdi, alors joueuse du LOSC, bascule. Quand elle prend la tête de l’équipe féminine, elle ne sait alors rien de ce que lui réserve sa future vie d’entraineure. Joies, déceptions, angoisse, soutien et partage, la Nordiste est aujourd’hui épanouie et rayonne d’ambitions avec son équipe de D1. Portrait. 

Rachel Saïdi et le LOSC, c’est une longue histoire. Terminé le numéro 10 dans le dos. Fini les routines d’avant-match. Adieu les prestations grandioses au cœur du jeu. Désormais, c’est Rachel Saïdi qui est la plus haute voix du vestiaire. L’analyste, la conseillère, la tacticienne, la première supportrice de l’équipe. Du jour au lendemain, Rachel Saidi saute la ligne de touche et change de carrière, de vie. Destinée à devenir coach, cette reconversion soudaine en 2019 a sonné le commencement d’une nouvelle époque au Lille Olympique Sporting Club.

 

Un changement drastique de statut

Le 10 février 2019, une nouvelle ère débute au LOSC. Rachel Saïdi fait ses premiers pas en tant qu’entraineure de la section féminine et démarre par une victoire 2-1 contre la Roche-sur-Yon en 1/8e de finale de Coupe de France. Quelques jours plus tôt, la direction du club proposait à la milieu axiale de prendre les commandes de l’équipe de D1 alors en position de relégable. En repensant à cette demande inattendue, Rachel se souvient de son hésitation alors qu’elle n’avait que quelques heures pour rendre sa décision. « Je me suis demandée si déjà, j’étais capable en termes de compétences, parce que je n’avais jamais coaché à ce niveau là. Et puis la situation dans laquelle j’allais m’embarquer était difficile parce que j’avais évolué avec ce groupe. Je me suis beaucoup questionnée seule ».

Rachel Saïdi finit par accepter ce poste au LOSC malgré la situation insolite. Un énorme chamboulement pour celle qui avait déjà passé ses diplômes d’entraineure. « Ça a été une période difficile à gérer. J’ai arrêté ma carrière de joueuse sans forcément le vouloir mais ça a été un mal pour bien parce que ça m’a permis de basculer de l’autre côté. Je m’étais formée pour ça mais je m’attendais pas à ce que ça arrive aussi tôt et en même temps, il fallait que le groupe adhère ».  Une nouvelle hiérarchie allait s’installer. Toutes ont réagi favorablement, un soulagement pour Rachel. « On a tous rigolé à un moment donné parce que c’était une situation étonnante! »

Une rupture entre deux statuts dont Rachel se souvient bien. Que ce soit au travail ou dans son quotidien, les habitudes ont rapidement changé. « Ça a été une expérience riche pour moi parce qu’il a fallu mettre des barrières avec des joueuses avec qui j’avais évolué, avec qui j’avais créé des affinités dans le vestiaire. J’ai du changer ma façon de vivre, c’était mes joueuses et plus mes coéquipières, donc  il n’y avait plus de possibilité de manger à l’extérieur avec les amies du foot. Tout ça s’est arrêté brutalement mais c’était pour le bien de tout le monde et au final, on a eu un groupe de joueuses très matures sur ça. Elles m’ont facilité l’intégration, et je n’aurais pas signé si j’avais senti une envie de la part du groupe ».

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Une acharnée à même de bien faire

C’est lors de son premier match de championnat, le 16 mars 2019 contre Guimgamp, que Rachel Saïdi se jette dans le grand bain. Menées 0-3 à la mi-temps, la nouvelle coach expérimente une sensation alors peu connue, celle de la pleine responsabilité. Il y a du regret aussi. « Quand vous avez fait le sacrifice de basculer coach, que vous perdez 0-3 à la mi-temps et que vous allez faire couler le club, vous vous demandez si vous avez pas fait le mauvais choix ». Et pourtant, c’est le discours du vestiaire à la pause qui lui fait comprendre qu’elle est à sa place. Au moment de célébrer le premier but lillois, toutes les joueuses se ruent vers le banc et le staff. « On a senti que quelque chose venait de se créer entre nous et les joueuses. On avait un groupe très proche avec cette volonté de batailler tous ensemble dans le même sens et de sortir le club de cette situation difficile ». Résultat, 3-3 score final. La coach fraichement nommée débute en D1 Arkema par une remontada.

Émotionnellement, Rachel Saïdi n’est plus la même non plus. Ce match d’introduction lui a montré ce à quoi elle ferait dorénavant face. « Maintenant je suis tout le temps dans la réflexion. En fait vous n’avez jamais de temps off quand vous êtes entraineure. C’est beaucoup plus lourd sur le plan mental que quand on est joueuse car vous vous sentez plus responsable de ce qu’il se passe ». Elle admet aussi être moins tolérante. « Même si j’étais une joueuse compétitrice exigeante envers moi-même, j’arrivais à switcher quand je rentrais chez moi. Actuellement en tant qu’entraineure, j’arrive pas à le faire ». Mais pour Rachel, la partie la plus difficile à accepter, c’est le deuil de ses sensations de joueuse. « Des fois sur le terrain quand on était menées au score, je sentais qu’on allait revenir. En tant que coach, ça m’arrive moins ». Une perte d’intuition certes, mais le gain d’adrénaline à coup sûr. 

 

Rachel Saïdi, une passionnée de foot avant tout

Ce qu’a toujours été Rachel Saïdi, c’est une passionnée du ballon rond. Elle est une footeuse polyvalente qui connait et s’intéresse à tous les aspects de son sport. Son regard sur le jeu est global. « Le fait d’être milieu axiale de formation m’a donné la fibre de m’intéresser à l’aspect tactique. J’avais besoin tout le temps de regarder mes matchs, ceux des garçons à la télé. D’apprendre, de comprendre ». Depuis sa conversion, elle semble encore plus rigoureuse et appliquée. « Le métier de coach m’a permis d’être beaucoup plus dans le détail et de m’intéresser à tous les postes, donc c’est beaucoup plus complet et riche. Il y a aussi beaucoup plus de travail ! » Le mental joue aussi beaucoup. Pour Rachel, c’est l’un de ses meilleurs atouts de coach. « Dans le foot il y a beaucoup de technique et de tactique, mais il y a un aspect primordial qui prend le dessus sur tout, c’est l’aspect mental. On le néglige en formation d’entraineur alors que c’est un élément indispensable pour le haut niveau dans le sport en général ».

Déjà à 20 ans, lorsqu’elle est étudiante à la fac, elle décide se lancer dans la formation d’entraineure. Pourtant, elle est loin d’être transcendée par cette vocation lorsqu’elle entraine les équipes jeunes d’Hénin-Beaumont. C’est finalement le championnat remporté avec les U-19 qui fera naître l’étincelle. « Il y a des souvenirs qui restent gravés à jamais. Au final, il y a tellement d’émotions fortes qui se dégagent que c’est à ce moment là que je ressens le besoin de faire carrière en tant qu’entraineure, en tout cas j’en ai envie ». Comme une révélation. « Je pense que c’est dans les veines aussi! »

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5 années au LOSC et autant de montagnes russes 

« On peut toujours mieux faire ». Ce sont les premiers mots de Rachel Saïdi au moment d’évoquer son bilan avec le LOSC. Avec un peu de recul, elle voit un parcours semé d’embuches et en constante évolution. Son plus gros accomplissement, la remontée en D1 en mai 2023. « C’était important pour moi de remettre le club en D1 parce que je prenais la descente en 2019 en responsabilité même si je n’avais eu que 6 matches pour redresser la pente. Vous vous dîtes, ce sont mes débuts à très haut niveau et ils sont négatifs ». Malgré la relégation, les bonnes saisons en D2 se sont enchaînées. Rachel ne s’est jamais laissée abattre par des périodes compliquée à gérer. « Pendant ces 5 premières saisons, j’ai appris en tant qu’entraineure, dans la gestion des émotions, dans l’appréhension et l’approche des matchs où j’ai toujours essayé de ne pas renouveler ces erreurs13 saisons sur le podium : 3e en 2020, 4e en 2021 et 3e en 2022. » 

Rachel se sent grandie, sur le plan professionnel mais aussi en tant que femme. « Si je prends de la hauteur, je me dis que chaque saison a été différente et a dû être gérée différement, mais chacune d’elle a été riche d’un point de vue humain. A chaque fois il a fallu se renouveler ». La native de Malo-les-bains reconnait être sortie de sa zone de confort et se montre reconnaissante pour cet apport d’expérience : « je me suis endurcie dans certains domaines qui m’ont permis de voir aussi mes failles et mes défauts que je continue à corriger ». Cinq premières saisons qui en valent presque le double d’expérience pour l’ex-milieu de terrain.

 

Toujours aller plus loin

Cette saison, les objectifs de Rachel Saïdi pour l’équipe fanion du LOSC sont clairs : se battre jusqu’au bout pour le maintien en D1 en gardant un état d’esprit conquérant. « Il faudra qu’on soit efficaces et décisives sur les matchs à domicile car tout est encore possible ». Chez elles, les Lilloises auront des occasions contre toutes leurs adversaires directes pour le maintien, sauf Saint-Etienne. « Quand on est une équipe promue qui se bat pour le maintien, il y a des hauts et des bas. Quand on signe dans ce genre de projet, on est lucides sur ça ». Et si la tendance serait à comparer la situation actuelle avec celle de début 2019, Rachel y voit une énorme différence. « Pour cette année, j’ai appris du parcours et de l’épreuve d’il y a 4 ans, notamment dans le fait d’y croire jusqu’au bout en restant concerné et en gardant cette lueur d’espoir. 

Parmis les élèments en sa faveur, la femme de 35 ans cite l’apport d’expérience d’Amandine Henry, légende de l’OL et de l’équipe de France. Une recrue temporaire qui réjouit Rachel et son staff, tous très heureux de travailler avec cette joueuse exemplaire. « Amandine nous amène cette force de caractère qui nous a manqué sur la fin de la phase aller. C’est dommage qu’elle ne finisse pas la saison avec nous mais c’est une expérience intéressante pour tout le monde! »

La coach est déterminée, positive et optimiste. Rachel Saïdi croit au projet du LOSC. « Aujourd’hui on est en D1 et je ne veux pas revivre la saison de 2019, je veux enfin fêter ça avec les joueuses, le staff et le club, et me dire qu’on a fait le job, que le LOSC est stable en D1. C’est super important pour moi parce que depuis 2019 je travaille pour la structuration de cette section féminine ». L’ambition et la fierté, c’est ce qui caractérise sûrement le mieux Rachel Saïdi, dont le contrat a été renouvelé jusqu’en 2025. « Je suis fière de travailler dans un club aussi prestigieux que le LOSC. Pour l’instant, j’avance à mon rythme. Je suis épanouie, j’ai la chance de vivre de ma passion. Je pense surtout que j’ai encore beaucoup de choses à apprendre et j’espère que ça sera au sein du LOSC ».

Crédit photo : Claire Smagghe

Notes

  • 1
    3 saisons sur le podium : 3e en 2020, 4e en 2021 et 3e en 2022
Mila Buchet
24.01.2024

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