À la rencontre des sportives

François Benoiton : « Il y a deux pistes pour mieux médiatiser le sport au féminin »

La Redaction
12.02.2024

« Le constat est clair, la couverture du sport féminin est très injustement faible ». A l’occasion de la journée internationale du sport féminin le mercredi 24 janvier, nous nous sommes entretenus avec François Benoiton, responsable de la communication, des relations publiques et de la RSE du club des Neptunes de Nantes.

Structure unique en Europe, regroupant deux équipes professionnelles féminines évoluant au plus haut niveau en handball et en volley-ball, les Neptunes de Nantes enchaînent les victoires en Coupe de France et en Coupe d’Europe. Malgré le talent de leurs joueuses, parmi lesquelles la volleyeuse Amélie Rotar ou la récente championne du monde de handball, Léna Grandveau ces exploits restent rarement mis en lumière, là où la médiatisation joue pourtant un rôle décisif dans le développement du sport au féminin.

A Nantes, la preuve par l’exemple : le sport féminin a son public

Difficile aujourd’hui d’arguer que la sous-médiatisation du sport au féminin découle d’un manque d’intérêt du public. Un sondage ODOXA paru en 2019 révélait ainsi que 88% des Français jugeaient le sport féminin sous-médiatisé. Dans le même temps, 87% des amateurs de sport affirmaient vouloir davantage de sport féminin à la télévision. A Nantes, les Neptunes de Nantes mettent en pratique ces données. Avec succès. En 2023, grâce à diverses stratégies, dont une campagne d’affichage remarquée en ville, les Neptunes de Nantes ont connu une augmentation significative de la fréquentation de leurs matchs (+56%). Les supporters sont au rendez-vous !

Une couverture médiatique inégale

Et pourtant, de 2018 à 2021, le sport féminin représentait moins de 5% d’antenne, contre 21% pour les sports mixtes et plus de 70% pour les disciplines masculines[1]. Des chiffres à mettre en perspective avec les grands évènements internationaux, qui donnent un coup de pouce aux audiences. Un point de vue que partage François Benoiton : « Les Jeux olympiques sont la meilleure couverture médiatique que le sport féminin puisse connaître et on aura la chance d’en profiter en 2024. »

Aussi, pour souligner ce déséquilibre, on peut noter que le podium du temps audiovisuel est remporté haut la main par le football, le rugby et le cyclisme, selon une étude du journal Le Monde en 2022/2023[2]. Or, la part de licenciées féminines dans ces sports demeure moins importante que dans le handball (38% de licenciées) ou le volley-ball, une discipline quasiment à l’équilibre (47% de licenciées)2.

Des difficultés à la fois techniques et économiques

Alors comment expliquer ce déficit de médiatisation ? « Il manque avant tout des moyens. Aujourd’hui, personne ne gagne de l’argent, le sport féminin coûte au club, à la ligue… Il y a un vrai travail de développement économique à conduire » estime François Benoiton. Des terrains ou des salles parfois inadaptés à une couverture télévisée sont aussi pointés du doigt. « Évidemment, pour attirer un diffuseur, il faut avoir la capacité de proposer des salles qui soient adaptées pour diffuser une image attrayante du public et du jeu, que ça puisse être dynamique, que la salle soit belle à regarder », ajoute-t-il. Les clubs ont parfois du mal à répondre au cahier des charges des diffuseurs, qui peut être complexe, même pour un club comme les Neptunes de Nantes, qui bénéficie d’une bonne structuration et d’une salle adaptée.

Enfin, bien que des compétitions soient diffusées sur beIN sports, Sport en France et occasionnellement sur les chaînes du service public, le manque global de promotion de ces évènements a tendance à jouer en défaveur des audiences.

« Alliance Neptunes » : renforcer la collaboration

Pour renforcer cette attractivité, les Neptunes de Nantes ont créé le réseau « Alliance Neptunes ». L’objectif est d’accompagner la structuration du sport au féminin au niveau local, d’augmenter la fréquentation lors des matchs mais aussi de mieux faire connaître les joueuses, afin d’inspirer les jeunes générations. « L’idée est de créer une démarche collective des clubs sur le territoire, afin d’attirer les médias et de nouveaux partenaires mais aussi de s’entraider pour développer la pratique des jeunes filles. Avec un club qui, par exemple, souhaiterait créer une équipe jeune et qui manque de joueuses, nous pourrons accompagner les démarches auprès des collectivités, afin de toucher les écoles, les collèges, les lycées. Nous pourrons proposer des places gratuites pour les rencontres des Neptunes ainsi que des moments privilégiés avec nos joueuses et nos ambassadrices Amélie Rotar et Léna Grandveau. L’idée est de s’entraider, de susciter des vocations et de donner envie aux jeunes filles de pratiquer du sport, de se rendre dans les salles et de s’épanouir, comme joueuse ou comme spectatrice ».

Donner de la visibilité aux joueuses

Les bons résultats des Neptunes de Nantes contribuent à mieux médiatiser le sport féminin.

Francois Benoiton insiste également sur l’importance de valoriser le parcours des joueuses dans et hors du terrain, de communiquer sur leurs performances pour permettre aux spectateurs et aux fans de s’identifier. « Raconter leurs histoires, montrer leurs victoires, ça marche ! » précise-t-il. Et de prendre l’exemple de Léa Grandveau, qui est passée, sur son compte Instagram, de 5000 à 24000 abonnés durant les quelques semaines du dernier Championnat du monde de handball 2023 ! « C’est énorme ! Cela veut dire qu’elle a touché les gens, qu’elle a suscité quelque chose et je pense qu’il y a plein de jeunes filles qui ont envie de faire comme elle ! ».

 

Sport et Citoyenneté a également souhaité recueillir le témoignage d’Amélie ROTAR, joueuse professionnelle de Volley-ball en équipe de France et au Neptunes de Nantes sur ces questions :

Comment avez-vous découvert le volley-ball ?

« C’est une histoire assez drôle. Dans ma famille, tout le monde pratique du volley. Mon grand-père était le président du Chaumont Volley Ball 52. Mes parents ont joué tous les deux à haut niveau, mon frère aussi. Donc pratiquer ce sport, dans la famille, c’est comme une religion ! Je n’ai pas forcément eu de modèle. C’était plus « Jeanne et Serge », le dessin animé (rires) ! Je me rappelle que je regardais ça à la télévision et j’ai accroché avec ce sport. C’était aussi une fierté par rapport à mon père et ma mère de continuer ce qu’ils ont écrit ensemble dans le volley.

En quoi être marraine de « l’Alliance Neptune » vous intéresse ?

On souffre d’un manque d’égalité de traitement médiatique, et on essaie de s’impliquer pour corriger cela. On va à la rencontre des clubs, des jeunes, on peut échanger facilement sur notre quotidien de sportive, notre parcours, notre carrière, et je pense que ça peut susciter l’envie de découvrir notre discipline. Après les matchs, on participe à des moments d’échanges avec les jeunes, pour qu’elles voient aussi ce que c’est d’être une sportive de haut niveau. Quand on voit qu’elles ont plein d’étoiles dans les yeux, on se dit que c’est vraiment utile et qu’un jour, peut-être, elles seront à notre place.

Depuis vos victoires en championnat, constatez-vous un intérêt grandissant de la part des médias ?

Pas personnellement, mais au niveau de l’Equipe de France oui. Depuis que nous enchaînons les bons résultats, je remarque qu’on est plus médiatisées. Par exemple, nos matchs sont aujourd’hui diffusés en direct sur la chaîne L’Équipe. Ça n’arrivait jamais avant. Depuis qu’on commence à performer, qu’on a gagné la Challenger Cup, que l’Equipe de France est qualifiée pour la première fois à la Volleyball Nations League, on sent que les fans commencent à croire en nous. On est de plus en plus suivies, on reçoit de plus en plus de messages. C’est pareil pour les Jeux Olympiques, auxquels on va participer. On se sent soutenues, c’est plaisant !

Que peut-on vous souhaiter pour les semaines à venir ?

Saisir chaque occasion pour parler de notre discipline ! Montrer nos matchs, même amicaux, raconter nos histoires, nos parcours, notre quotidien. Les Jeux vont nous permettre d’être exposées, il faut en profiter. Si les téléspectateurs sont intéressés parce qu’ils voient à la télévision, ils viendront dans les salles. Et s’ils ne le sont pas, on en trouvera qui le seront !

[1] ARCOM, Analyse du poids des retransmissions de compétitions sportives féminines à la télévision entre 2018 et 2021, 26 janvier 2023

[2] http://tinyurl.com/4yfn8fcu

Contenu proposé par le Think Tank Sport et Citoyenneté, écrit par Florian Uguen, responsable communication

Crédit photo : Neptunes de Nantes

La Redaction
12.02.2024

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