À la rencontre des sportives

De la peur à l’excitation, une vie entre parachutisme et médecine : l’histoire de Charline Delay

Julie Langlois
25.04.2023

Avec quatre championnats internationaux remportés en trois ans, Charline Delay a passé dix ans de sa vie dans le voile contact, discipline du parachutisme. Aujourd’hui chirurgienne vasculaire à Colmar, la sportive revient sur son parcours.

Le premier saut en parachute, Charline Delay s’en souvient. « Mon père a fait son service militaire dans les paras et j’ai toujours aimé les sports extrêmes, alors je me suis toujours dit que quand j’aurai l’âge, je ferai un saut. Il est venu avec moi pour en faire un, et finalement moi j’en ai fait 3000 ! », lance Charline Delay. Finalement, c’est en juin 2005, pour ses 18 ans, que la Franc-Comtoise fait son premier saut, accompagnée de son père. Le début de la grande aventure. 

Ceux qui continuent, ce sont ceux qui prennent du plaisir dans la peur en quelque sorte. Même au bout de 3000 sauts, il y a toujours une peur de sauter d’un avion, de mourir, mais c’est aussi ce qui fait que c’est cool, cette adrénaline.

La voile contact, une discipline risquée et spectaculaire

Charline Delay et Cindy Collot volant ensemble.

Sa discipline, c’est la voile contact. Elle consiste à mettre des points en mettant ses pieds dans les suspentes de son partenaire. Encouragée par un entraîneur national, Franc-Comtois lui aussi, elle rejoint en 2009 les équipes espoirs de voile contact puis l’équipe de France en 2012, jusqu’à devenir deux fois championne du monde. « L’entraîneur avait pour rêve de former une équipe de filles, alors qu’il n’y en avait presque aucune dans cette discipline. » C’est à sa demande que Charline finit par former un duo avec Cindy Collot, aujourd’hui infirmière avec qui elle s’était liée d’amitié au sein de l’école de parachutisme Besançon-La Vèze. « Avant ça, j’étais avec un garçon et je gagnais le circuit France. Je pensais que j’avais besoin d’un garçon. Finalement le partenariat a super bien marché, justement parce qu’on était deux femmes je pense. Nous avions un parachute sur mesure, très petit pour compenser le fait que nous étions moins puissantes. » C’est en 2014 qu’elles remportent la première place au championnat du monde de parachutisme en voile contact séquence 2, et renouvellent l’exploit en 2016 à Chicago. Une prouesse qui démontre ainsi que deux femmes, ensemble, peuvent réussir même dans cette discipline essentiellement masculine.

Du parachutisme à la chirurgie vasculaire

En parallèle de sa pratique du parachutisme, Charline Delay se lance dans des études tout aussi périlleuses. C’est à la faculté de médecine de Besançon, puis à Strasbourg dans un service de chirurgie vasculaire et enfin Colmar, qu’elle choisit de se consacrer à la chirurgie vasculaire, après plus de 12 ans passés sur les bancs de la faculté et dans les hôpitaux. C’est aussi à ce moment-là qu’elle met de côté le parachutisme. « J’ai passé 10 ans de ma vie à faire ça et je ne regrette pas d’avoir arrêté. Après le championnat du monde de 2016, j’avais atteint tous mes objectifs et il était temps de passer à autre chose. » Mais l’exigence du parachutisme n’est jamais bien loin. « En parachutisme, je risque ma vie et celle de mon binôme. En chirurgie, c’est encore la vie de quelqu’un qui dépend de moi. » De l’adrénaline nécessaire lors d’une intervention chirurgicale complexe, nécessitant précision et efficacité. L’analogie entre le parachutisme et la chirurgie vasculaire peuvent sembler surprenantes, mais elles témoignent également des transferts de compétences entre le sport et la vie professionnelle. 

Charline Delay en pleine chirurgie

« J’ai fait tellement d’autres choses que ça me parait vraiment loin le parachutisme, mais je me sers tous les jours de cette expérience. »

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« Je ne me suis jamais posée la question de savoir si je suis à la hauteur d’un homme » 

« Aujourd’hui, il n’y a plus besoin de se battre, une femme peut faire ce qu’elle veut, devenir chirurgienne ou encore championne du monde de voile contact ! Il faut juste le faire et c’est tout. On a autant de capacités qu’un homme. Si on se donne les moyens, on peut y arriver », s’exclame-t-elle. Au travail, Charline Delay ne voit pas non plus de différenciation de traitement liées au genre. Elle est médecin, avant tout.

« Je n’ai jamais eu besoin de me battre pour prouver que j’étais aussi forte qu’un homme, je n’ai jamais eu besoin de me battre en tant que femme. »

Et c’est dans cet esprit qu’elle s’inscrit dans une longue lignée de parachutistes qui s’élancent depuis les airs dès le début du 18ème siècle. Avant-gardiste dans le domaine, les Français ont remporté de nombreuses médailles dans des compétitions internationales et sont restés de 2012 à 2016 la meilleure nation mondiale. Bien que le parachutisme ne soit pas facilement accessible, « il véhicule de belles valeurs, et il est dommage que l’intérêt pour ce sport soit si faible. Cependant, étant donné la prise de conscience croissante de l’écologie, il est compréhensible que l’on puisse se poser des questions à ce sujet. »

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Julie Langlois
25.04.2023

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