Récit

Série [1/3] L’histoire de la place des femmes aux Jeux olympiques et paralympiques : du VIIIe siècle avant J.C à nos jours

Emma Forton & Killian Tanguy
15.05.2023

Des Jeux antiques interdits aux femmes, en passant par des mouvances misogynes des hommes de l’époque et des politiques controversées des États… Le combat pour l’intégration des femmes aux Jeux olympiques a été long et semé d’embûches. À l’été 2024, les Jeux de Paris devraient être paritaires, une première. Analyse avec Pierre Lagrue, historien du sport et spécialisé dans les Jeux olympiques. Dans cette première partie, focus sur les Jeux olympiques de l’ère grecque jusqu’aux JO de l’avant-Première Guerre mondiale.

Au cours des Jeux olympiques antiques, au VIIIe siècle avant J.C, « les femmes n’avaient non seulement pas le droit de participer mais aussi d’y assister », affirme Pierre Lagrue. Elles possédaient le même statut que les étrangers et les esclaves. Seuls les hommes, libres et d’origine grecque, étaient autorisés à concourir.

Cependant, les femmes avaient leur propre compétition : les Jeux héréens, en l’honneur d’Héra, déesse du mariage. « Ils avaient lieu deux semaines après les Jeux olympiques, également à Olympie ». Contrairement aux hommes qui performaient dans différents sports : athlétisme, sports de combats, course de chars ; les femmes ne disputaient qu’une seule épreuve, la course du stade. Néanmoins, la distance était réduite d’un sixième par rapport à l’épreuve masculine, soit environ 160 mètres.

Seule exception : Kyniska de Sparte, fille du roi Archidamos. En -396, « elle a engagé son char », déclare l’historien. L’épreuve des quadriges, nom du char tirant quatre chevaux, ne récompensait pas son conducteur mais son propriétaire. « Elle est considérée comme la première femme championne olympique », sans même avoir participé ! Elle réitéra en -392, ce qui fait d’elle, la seule championne olympique de toute la Grèce antique. Entre le IIIe et le IVe siècle après J.C, l’empereur chrétien Théodose abolit les fêtes païennes, dont les jeux grecs. Près de 1 500 ans plus tard, le 23 juin 1894, les Jeux olympiques sont rétablis par un vote du Comité international olympique (CIO), fondé à cette même occasion.

 

Début du XXe siècle : « Les femmes ne sont pas réellement invitées »

Le projet des Jeux olympiques est porté par le baron Pierre de Coubertin qui souhaitait que cette compétition prenne la forme de « Jeux à l’échelle du monde, ouverts à tous, à tous les pays, à toutes les races et à toutes les religions ». La première édition des Jeux olympiques modernes a lieu à Athènes, en 1896. Des Jeux pas si « ouverts à tous » : aucune femme n’était présente sur les 241 athlètes participant à la compétition.

En 1900, seconde édition des Jeux olympiques modernes. À Paris, « il y a des femmes mais elles ne sont pas réellement invitées », précise Pierre Lagrue. Alors que les hommes prenaient part à une vingtaine de sports différents, les femmes n’étaient autorisées qu’à participer au tennis, au golf en individuel, à la voile, au croquet et à l’équitation en mixte. Sur les 997 sportifs, elles n’étaient que 22.

Et pour cause, « Pierre de Coubertin était totalement opposé à l’arrivée des femmes aux Jeux ». En 1901, il écrivait que « le rôle de la femme reste ce qu’il a toujours été : elle est avant tout la compagne de l’homme, la future mère de famille et doit être élevée en vue de cet avenir immuable ». Puis, en 1912 : « Une olympiade femelle serait impratique, inintéressante, inesthétique et incorrecte. Le véritable héros olympique est, à mes yeux, l’adulte mâle individuel. »

Pourtant, Pierre de Coubertin n’était pas « spécialement misogyne. Au début du XXe siècle, c’était la tendance générale, il l’était comme tout le monde. Les femmes n’avaient pas de droits », assure l’historien. En plus, les médecins déconseillaient aux femmes de faire du sport. « Dans les études, qui étaient absolument fausses, les spécialistes affirmaient que la pratique sportive nuisait à la fertilité des adolescentes. » Or, à l’époque, le rôle premier de la femme était de donner la vie.

⏩ À lire aussi : Après avoir mis l’escalade en pause pendant trois ans, Hélène Janicot espère voir Paris 2024

Une première femme sacrée dans l’histoire des Jeux olympiques

Cette seconde édition des Jeux reste particulière car elle s’est étendue sur six mois, de mai à octobre, dans le cadre de l’Exposition universelle. La Britannique Charlotte Cooper devint la première championne olympique, victorieuse de l’épreuve de tennis. Près de 400 épreuves sont organisées, dont certaines seront, par la suite, reconnues comme olympiques. « Margaret Ives Abbott a remporté le tournoi de golf, à Compiègnes. Il a été reconnu comme épreuve olympique quelques années après, elle était déjà morte. Elle n’a jamais su qu’elle avait été championne olympique », raconte-t-il.

En 1904, marche arrière. Les femmes n’ont pris part qu’à un seul sport, le tir à l’arc. L’édition de Stockholm en 1912 marquera, quant à elle, une avancée. « Les femmes participent aux épreuves de natation, un sport majeur : le 100 mètres nage libre et le relais 4×100 mètres nage libre », tandis que sept épreuves sont ouvertes aux hommes. En tout, 48 femmes y participeront sur 2 407 athlètes : environ 2%, soit toujours aussi peu.

⏩ À lire aussi : Sur le skate avec Lilou Jupille, championne régionale du Centre-Val de Loire

Emma Forton & Killian Tanguy
15.05.2023

Vous avez relevé une coquille ou une inexactitude dans ce papier ?
Proposez une correction à notre rédaction.