Laurie a retrouvé un sens à sa vien en découvrant le trail et en réalisant son film Au delà du temps
Récit

Laurie Phaï : « À travers ce film, j’ai retrouvé un équilibre de vie, de santé mentale et physique »

Solène Anson
09.11.2021

Après sept années comme pongiste en équipe de France, Laurie Phaï s’est mise à courir pour réparer un parcours de vie accidenté. Championne de trail, l’histoire familiale de cette Franco-cambodgienne est bouleversante. Celle-ci est racontée dans un film, qui a d’ailleurs obtenu un prix au Festival de Bourg-Saint-Maurice en mai dernier.

Tennis de table, semi-marathon, trail… Qu’est-ce que toutes ces expériences vous ont apporté ? 

Laurie Phaï : Le haut niveau est une belle école de la vie. Le sport apporte certaines valeurs comme le courage, la volonté ou encore le respect. Lorsque je jouais au tennis de table en équipe de France, je n’étais pas professionnelle. J’ai donc arrêté ma carrière internationale afin de me concentrer sur mes études. Un an après la naissance de mon fils en 2012, sa sœur est décédée à l’accouchement et j’ai commencé à courir presque tous les matins autour de Briançon. Séance d’endurance, de fractionné entre 80 et 100 kilomètres de course à pied, j’avais envie de refaire du sport. C’était un besoin. Toutes ces expériences m’ont permis d’avancer dans la vie.

 

La course à pied vous a également permis de retrouver vos origines…

Ma mère est française et mon père cambodgien. L’entraîneur Ludovic Collé m’a proposé de faire un trail de 32 km au Cambodge. Lorsque je l’ai remporté, le comité olympique m’a proposé de courir pour le pays.

Une fierté pour votre père !

Mon père a réussi à s’enfuir du conflit cambodgien en 1978. Il était prisonnier pendant trois ans puis réfugié en France. Lorsqu’il est parti, ses parents et ses sœurs ont été assassiné·e·s. C’est quelque chose de très douloureux et de très enfoui. Le fait de mettre les pieds pour la première fois au Cambodge nous a rapproché·e·s. Lorsque je jouais au tennis de table avec la France, il était fier, mais ne me le disait pas directement. Au Cambodge, j’ai vu ses yeux briller.

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Quelle est la place de la course à pied au Cambodge ?

Très peu d’athlètes de haut niveau évoluent dans ce pays. En 2019, le championnat du monde de trail au Portugal a réuni pour la première fois cinq franco-cambodgiens. Prochainement, le président de la Fédération va organiser le championnat national du 10 000 mètres afin d’officialiser ma place en équipe nationale. Aussi, j’essaye de développer ce sport en récoltant des vêtements et des baskets dans les clubs français pour les coureurs au Cambodge.

 

La course à pied est-elle une revanche sur la vie ?

C’est marrant car plus jeune, je détestais la course à pied. Lorsque j’ai eu le malheur de perdre ma fille, courir me paraissait plus simple. C’était une sensation de douleur physique, mais surtout de bien-être. Le fait de vouloir avancer de plus en plus vite m’a permis de me maintenir en bonne santé et surtout de retrouver goût à la vie.

Au-delà du temps est un court métrage de 56 minutes réalisé par Andy Collet.

Au-delà du temps, c’est désormais votre vie réalisée en film. Raconter votre histoire en vidéo, ce n’est pas quelque chose que vous auriez fait naturellement…

Complètement. Le frère de mon entraîneur est réalisateur professionnel. Ludivic (Collé, NDLR) lui a dit : « Laurie a une histoire à raconter, je pense que ça peut plaire. » Entre 2017 et 2021, nous avons effectué 60 tournages au Cambodge.

 

Lorsque vous avez regardé le film, quelles ont été vos sensations ?

La toute première fois, j’ai pleuré 40 minutes sur les 55 du film. Pas forcément des larmes de tristesse, mais beaucoup d’émotions de pouvoir parler de mes origines. Mon papa en avait très peu parlé et là, il s’est livré. J’étais heureuse de mettre ma vie en images. On a tous et toutes besoin de trouver son équilibre. À travers ce film, j’ai retrouvé un équilibre de vie, de santé mentale et physique. Pour mon père, c’était une découverte, une psychanalyse et une thérapie vis-à-vis du peuple cambodgien.

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Les efforts commencent à payer ?

Le Cambodge m’a donné la possibilité de participer aux Jeux olympiques de Paris 2024 sur 10 000 mètres. En tennis de table, je n’ai pas eu la chance de les vivre. C’est donc un réel objectif. Les efforts physiques m’ont permis d’aller mieux dans ma tête et de guérir. C’est vivre avec sans être malheureuse.

 

D’un malheur, il arrive de très belles choses.

En plus de mon association « Trail Sans Frontière » 1Si vous souhaitez contribuer à cette association, vous pouvez contacter Laurie Phaï via Facebook ou Instagram, je me suis rapprochée d’une association au Cambodge, « Toutes à l’école », fondée par Tina Kieffer. Une école pour permettre aux filles, souvent à la maison pour s’occuper de leur famille, de participer à des activités. Je souhaite aider ces jeunes à s’émanciper par le sport. Lorsque ma fille est décédée, j’ai eu trois jours de néant, j’étais vidée. Quand je suis partie courir au Cambodge, j’ai ressenti une énergie. J’avais l’impression qu’elle était près de moi et qu’elle me disait : « Avance maman. » Chaque jour, elle me motive.

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Propos recueillis par Solène Anson

Crédit photo : ©ultratrailangkor

Notes

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    Si vous souhaitez contribuer à cette association, vous pouvez contacter Laurie Phaï via Facebook ou Instagram
Solène Anson
09.11.2021

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