Dossier

Melvine Deba et Manon Houette brisent le tabou des règles

Christelle Chapiotin
24.08.2023

Cette année, la Ligue féminine de handball, associée à son partenaire Lidl, a lancé une opération de sensibilisation autour des cycles menstruels dans le sport. L’action, menée en trois temps, se déroule avec la complicité des joueuses professionnelles. Chaque club a son ambassadrice, excepté le Chambray Touraine Handball qui en a deux. Melvine Deba et Manon Houette étaient déjà très concernées par le sujet. L’action de la Ligue leur a donné un élan supplémentaire.

« Ce qui est marrant, c’est qu’au moment où la Ligue a lancé le projet, Manon m’a dit qu’elle y avait pensé mais sans savoir par où commencer. Du coup, c’était super pour nous, ça nous permettait d’avoir un premier rayonnement avant de poursuivre les actions. »

Melvine Deba et Manon Houette sont très impliquées dans toutes sortes d’actions autour des cycles menstruels. Manon est ambassadrice d’une marque de protections hygiéniques bio, Melvine a réalisé de nombreux podcasts sur le sujet : « J’ai notamment reçu Gaëlle Baldassari, fondatrice du mouvement Kiffe ton cycle. Elle accompagne les femmes avant, pendant et après leur cycles, avec une approche à la fois scientifique et entrepreneuriale. Elle m’a vraiment sensibilisée. » 

Deux ambassadrices et un atelier interactif autour du tabou des règles

C’est donc tout naturellement que Melvine a participé au moment d’échange initié par la Ligue à Paris, en présence des médias. D’autres joueuses professionnelles étaient là, avec une gynécologue et une chercheuse, entre autres. L’objectif, lors de cette première étape, était de mettre en avant l’engagement des différents acteurs et la volonté de faire avancer les choses. « Je me suis proposée parce que femme, sportive. Je trouvais ça intéressant d’utiliser les médias pour relayer l’action et multiplier l’impact. »

Manon a rejoint l’aventure lors de la 2e étape, l’organisation d’atelier de sensibilisation auprès des jeunes au sein des clubs. « La Ligue savait que j’étais engagée moi aussi, du coup on nous a dit qu’exceptionnellement, il pouvait y avoir deux ambassadrices. » 

Les deux joueuses pros ont ainsi échangé avec une petite vingtaine de filles, avec des parents aussi. L’atelier a duré près de deux heures. S’appuyant sur le document de la Ligue, elles ont instauré un dialogue pour rendre l’atelier interactif, en prenant le temps de bien définir tous les termes. « Le mot « tabou » n’est pas connu par les plus jeunes », explique Melvine. « Moi sur une autre intervention j’avais parlé des règles sans préciser plus avant, une petite a cru que je parlais des règles du jeu. Il faut vraiment s’adapter à l’auditoire », renchérit Manon.

Toujours est-il qu’au terme de ce premier atelier, il y a eu de bons retours, « notamment les mamans, qui sont venues nous remercier. Elles ne sont pas toutes à l’aise pour en parler ». Pas trop de garçons ni d’entraîneurs au rendez-vous, mais il y a eu des demandes pour réitérer l’action.

⏩ À lire aussi : EuroVolley 2023 : En réussite, les Bleues face à la Roumanie en 8e de finale

Un réel besoin d’informer, à tous les niveaux

« Nous sommes livrées à nous-mêmes, c’est pour ça que le sujet nous intéresse. Il y a énormément de choses à faire vu qu’il n’y a rien de mis en place tout simplement, même à haut niveau. »

Si Manon et Melvine ne connaissent pas de problèmes particuliers, ce n’est pas le cas de toutes les joueuses. Certaines doivent se médicamenter, c’est forcément délicat et les entraîneurs masculins n’ont pas les clés : « Souvent ce n’est pas qu’ils ne veulent pas en parler, c’est qu’ils ne savent pas comment, parce qu’ils ne savent pas vraiment de quoi il s’agit, ça complique l’accompagnement. »  

A priori, les choses progressent pour les nouvelles générations. Certains entraîneurs de pôles, en quête de conseils, demandent une intervention dans les centres de formation. Melvine, qui s’est beaucoup renseignée, va plus loin dans la réflexion : « C’est important que les entraîneurs soient au courant et que les scientifiques puissent partager ce qu’ils savent. Ça se fait de plus en plus, mais comme il y en a très peu, ils sont surtout à l’INSEP et ne travaillent qu’avec les stars, les athlètes par exemple, c’est plus facile sur un sport individuel. » 

« On pourrait essayer d’adapter pour une équipe, mais il faut avoir le staff en conséquence », renchérit Manon. « Rien qu’ici, on a déjà trois personnes qui font le boulot de dix. Si on leur demande de rajouter ça à leur charge de travail… Il faut que nous prenions l’initiative puisque là on est dans un sport professionnel, mais qui galère. »

Poursuivre l’action et élargir le public

Les joueuses de Chambray ont aussi des idées, comme celle d’intégrer un module spécifique dans la formation des entraîneurs, « par exemple un module de 24 h d’enseignement pour qu’ils en sachent plus et que ça serve le quotidien des athlètes ».

Future marraine des jeunes de Fleury, Manon va certainement intervenir dans le Loiret. Avec Melvine, elle espère multiplier les interventions, dans les clubs et ailleurs. Elles sont ouvertes à toute discussion et accompagnent parfois des étudiantes dans leurs travaux sur le sujet. Le Conseil régional semble intéressé par leur action, les choses se mettent en place doucement. 

Bien prises par leur carrière et les déplacements incessants, elles songent déjà à la possibilité de créer des modules qu’elles pourraient partager. Elles insistent en tout cas sur l’importance de trouver des personnes de confiance à qui parler : « ça ne peut pas être tabou entre femmes, il y a forcément de l’aide quelque part ».

Pour la petite histoire, la 3e et dernière étape du projet de la Ligue est programmée en septembre prochain, avec l’installation de distributeurs de protections hygiéniques gratuites dans tous les gymnases de l’élite féminine : « Il faut des protections bio, des produits de qualité », précise Manon. « Ce que Manon a proposé, complète Melvine, c’est la mise en place de partenariats avec ces marques un peu plus éthiques, pour faire d’une pierre deux coups et optimiser l’action. » 

Vous pouvez leur faire confiance, les Chambraysiennes ne lâcheront rien, comme sur le terrain.

Propos recueillis par Christelle Chapiotin

⏩ À lire aussi : Oriane Bertone, la jeunesse au sommet

Christelle Chapiotin
24.08.2023

Vous avez relevé une coquille ou une inexactitude dans ce papier ?
Proposez une correction à notre rédaction.