Dossier

Billie Jean, queen sur tous les terrains

Enora Quellec
24.06.2022

Billie Jean King a été décorée de la Légion d’honneur par Emmanuel Macron jeudi 2 juin. L’ex-joueuse aux 39 victoires en Grand Chelem a aussi été célébrée à Roland Garros, où elle a gagné il y a 50 ans. Portrait d’une militante hors normes.

Billie Jean King s’est distinguée par ses nombreuses performances tout au long de sa carrière. Mais en lui remettant la Légion d’honneur, Emmanuel Macron a aussi récompensé son parcours remarquable, au-delà de ses revers et coups-droits.

Une icône sur le court…

Billie Jean King, née en 1943 en Californie, débute sa carrière en 1959. Elle se distingue tout au long de sa carrière par les 129 titres (39 lors de tournois du Grand Chelem). La Fed Cup est l’un de ses terrains favoris. « BJK » y a soulevé le trophée dix fois, comme joueuse ou capitaine. Le tournoi féminin a été rebaptisé Billie Jean King Cup en septembre 2020. Son palmarès fait d’elle l’une des meilleures sportives de l’histoire du sport étasunien et du tennis mondial. L’ancienne n° 1 mondiale termine sa carrière en simple en 1983 et finit par quitter totalement le circuit professionnel en 1990. L’Étasunienne est reconnue pour ce qu’elle a accompli sur le terrain, mais sa légende s’est aussi construite au-delà de ses performances sportives.

… et en dehors

Tout au long de ses 31 ans d’exercice, Billie Jean King s’est battue pour que les joueuses de tennis soient traitées comme leurs homologues masculins. Sa voix se fait d’abord entendre lorsque le circuit masculin devient professionnel en 1968, alors que les joueuses restent amateures. Face à l’injustice, Billie Jean King s’organise. Avec huit autres joueuses, elle forme les « Original 9 » qui lance la création du circuit féminin. L’aide de Gladys Heldman, à la tête du World Tennis Magazine, est déterminante. Convaincue par les ambitions des joueuses, Heldman organise le premier tournoi féminin du Virginia Slims Circuit.

Création de la WTA

En réponse à la création de l’ATP par et pour les joueurs, « BJK » mène son projet le plus important : la création de l’association des joueuses, la Women’s Tennis Association (WTA). Elle en est la première présidente, de 1973 à 1975. L’association est une révolution pour les femmes, qui profitent alors d’une vraie structure internationale. Leur pratique est organisée et se développe. La WTA permet de concrétiser les ambitions de BJK. Lorsqu’elle remporte l’US Open en 1972, elle reçoit 15 000 dollars de moins que le vainqueur masculin. Alors la championne dénonce les écarts de gain et menace de manquer le prochain tournoi. Avec la WTA, elle obtient que l’US Open instaure le même prize-money aux joueuses qu’aux joueurs. Grâce à la WTA et à son ancienne présidente, les joueuses peuvent se réjouir de la parité des gains depuis 2007.

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La symbolique « bataille de sexes »

Un évènement marquant du parcours de Billie Jean King lie son combat sportif et militant. Un match très particulier, symbolique, bien plus important que tout autre rencontre. Répondant au défi qu’il lui pose en 1973, Billie Jean tient à affronter, et à battre, un homme, Robby Riggs. Une opportunité pour prouver que les joueuses ne sont pas inférieures à leurs collègues masculins, qu’elles méritent du respect et de l’admiration, tout autant que les hommes. L’ancien vainqueur de Wimbledon, qui déclarait qu’« aucune joueuse en activité ne pourrait jamais venir à bout d’un retraité » est facilement battu par Billie, en 3 sets. Une victoire d’autant plus importante que ce joueur retraité et friand de matchs d’exhibition, se distingue régulièrement par ses provocations et sa misogynie non dissimulée. Cette victoire marque l’histoire du tennis et du sport, à l’échelle mondiale. Billie Jean King, pourtant soutenue par aucun sponsor, gagne devant quelque 30 000 spectateurs à Houston mais sa performance est regardée par près de 100 millions de personnes, au-delà de son seul pays.

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Son homosexualité révélée

Billie Jean King consacre une grande partie de sa vie à défendre les droits des femmes et des personnes LGBTQI+. Un combat plus fort encore lorsqu’elle révèle son homosexualité. Un coming-out, forcé par des pressions de la part de son ancienne assistante avec qui elle avait une liaison. Celle-ci la menace en 1981 de dévoiler les lettres qu’elles s’échangeaient et donc de dévoiler la sexualité de BJK. La joueuse multi-titrée décide de ne plus cacher son homosexualité. Elle est alors la première sportive à le faire. Mais encore aujourd’hui, l’ancienne N°1 mondiale fait part de la souffrance psychologique qui a succédé à son coming-out. L’époque, le système sportif, la pression… ont compliqué cette période. Lorsqu’elle se décide à s’exprimer, la championne perd tous ses contrats avec des sponsors, accumule des frais d’avocats élevés. Certains proches lui conseillent de ne pas reconnaître son homosexualité mais de la nier.

Après les médailles, les décorations

Les actions de Billie Jean King sont reconnues mondialement. Déjà en 2009, Barack Obama la récompense par la médaille présidentielle de la Liberté, la plus importante décoration civile, rappelant « tout ce qu’elle a accompli en dehors du court ». Il y a quelques jours, c’est Emmanuel Macron qui a honoré l’Étasunienne en la décorant de la Légion d’honneur. Reçue à l’Elysée, elle y a ainsi reçu, à 78 ans, la plus importante distinction qui existe en France. « Chère Billie Jean King, vous êtes une icône, une légende, une superstar. En 50 ans, vous avez révolutionné le sport international, mais aussi l’égalité entre les femmes et les hommes et le droit des minorités dans le monde entier », a déclaré le Président de la République.

Crédit photo : Corinne Dubreuil/FFT

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Enora Quellec
24.06.2022

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