Photo illustration tribune Sport féminin ignoré par Carole Gomez
Tribunes

Le sport au féminin encore largement ignoré

Aurélie Bresson
12.06.2020

par Carole Gomez, directrice de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS)

Tribune. Le monde du sport aura, à l’instar de tous les autres secteurs, connu une pause forcée inédite. En l’espace de quelques jours à peine, les stades, pistes et gymnases ont fermé pour se mettre en sommeil. Face à cette situation, nombre d’initiatives, de cercles de discussion et de réflexion ont vu le jour. Sevrés de compétitions sportives, les acteurs du sport semblaient s’être fixé un objectif ambitieux : penser « le monde d’après ». En effet, bien l’expression « monde d’après » soit un mot valise qui ne permette pas d’illustrer toute la complexité de la réalité et des situations rencontrées, il s’est toutefois rapidement fait une place au sein des éditos, des tables rondes et autres webinaires car intuitivement compréhensible par tous et toutes.

S’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives des discussions et des propositions qui ont pu émerger, plusieurs remarques peuvent d’ores et déjà être ici formulées.

Tout d’abord, cette réflexion apparait tout aussi saine que nécessaire, surtout au cours de cette période. Au-delà des conséquences (sanitaires, sociales, politiques) de cette crise, qu’il conviendra d’étudier dans les prochains mois et années, la situation que nous avons connu nous a poussé à nous questionner individuellement et collectivement, sur la place du sport, sur son modèle, sur son avenir. La multiplication des événements en ligne, des tribunes a ainsi été une source d’interrogations permanentes avec lesquelles nous pouvions êtes en accord comme en parfait désaccord. Mis à part quelques tribunes « cosmétiques », chaque prise de position a permis d’apporter une pierre au débat, illustrant ainsi toute la complexité des situations trop souvent simplifiées ou caricaturées. En conséquence, cela a pu, une nouvelle fois, démontré que le sport se pensait, se réfléchissait, se contredisait, bref, qu’il était plus que jamais vivant, surtout pendant cette période. Oui, mais…

Si le débat a bien eu lieu sur l’avenir du sport en général, celui du sport au féminin a été, encore une fois, largement ignoré. Sitôt les annonces de suspension des championnats et compétitions, les informations concernant les compétitions sportives féminines ont été publiées au compte-goutte, la médiatisation a été quasiment réduite à néant et des craintes légitimes sur l’avenir de certaines sections sont rapidement apparues. Bien que plusieurs fédérations nationales et internationales, et notamment la FIFA, aient rappelé leur volonté de ne pas « oublier » la pratique féminine et de maintenir les moyens humains, temporels et financiers, force est de constater que cette période est critique. Plusieurs clubs en rugby, en football par exemple, notamment en France et en Angleterre, ont évoqué leur section féminine comme une « variable d’ajustement », qui pourrait être supprimée pour « amortir » les pertes des sections masculines. Certains n’hésiteront pas à déclarer qu’ « il faut sauver l’essentiel ».. Quant à elles, certaines sportives prennent la parole et témoignent de l’absence d’informations, de discussions, de réflexion sur l’avenir de leur club, voire de leur sport. Enfin, sur la question, pourtant ô combien cruciale, de la médiatisation, un chiffre. Entre le 14 mars et 18 mai, l’Equipe (version papier) aura consacré 43 articles aux conséquences de la Covid-19 sur le sport au féminin, soit…2,1% de l’ensemble de ces articles.

Au sortir de cette crise, il est donc vital et essentiel de poursuivre ce débat, cette réflexion sur l’avenir du sport, mais cette fois en n’oubliant pas, encore une fois, les femmes.

par Carole Gomez, directrice de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS)

Aurélie Bresson
12.06.2020

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