À la rencontre des sportives

Sur les mers, Kenza Coutard rêve en grand

Linda Ounas
06.04.2021

Kenza Coutard est une jeune espoir tricolore de la voile. Très tôt, elle s’est prise de passion pour cette discipline sur les côtes normandes, là où habitent ses grands-parents. Dans la région parisienne tout d’abord puis au centre régional d’entraînement du Havre jusqu’à ses 14 ans, elle fait ses armes sur un optimiste. À 19 ans, la Brestoise d’adoption a déjà représenté la France lors des Jeux olympiques de la Jeunesse. Rencontre. 

Comment t’es venue cette passion pour la voile ?

J’ai commencé la voile à l’âge de 7 ans en région parisienne. Ayant rapidement progressé, je me suis entrainée au centre régional d’entraînement au Havre. J’ai été vice-championne de France dans cette catégorie en 2015. Ensuite, je suis partie à Brest en sport études en internat au lycée La Pérouse Kerichen. J’ai changé de bateau et de catégorie, je suis passée en espoir sur un bateau 420 (4 mètres 20), en double avec Margaux Billy. Au début j’étais équipière, mon poste se situe à l’avant sur le trapèze et je m’occupe des focs et du spi. 

Il faut oser, se lancer, toujours tenter et croire en soi. C’est un sport assez incroyable, nous pouvons visiter des endroits assez spectaculaires et inaccessibles par voies terrestres.

Quel a été le déclic pour accéder au haut-niveau ?

Dès notre première année dans cette catégorie avec Margaux, nous nous sommes qualifiées pour les championnats d’Europe en U17. Nous devenons vice-championnes d’Europe et nous nous classons 6èmes en mixte. En 2018, nous terminons 4èmes aux championnats d’Europe au Portugal et on se classe 11èmes aux championnats du Monde en Australie. Ce classement nous a permis de nous qualifier en série olympique. C’est une performance majeure pour la suite de ma carrière, notamment en ce qui concerne les aides financières.

Toujours en 2018, notre équipage est repéré par l’entraineur de l’équipe de France des bateaux Nacra 17. Ce dernier a détecté notre potentiel pour accéder au très haut niveau et permettre de qualifier la France aux Jeux olympiques de la Jeunesse (JOJ) en Argentine avec un Nacra 15 en mixte. Il a donc fallu chercher un équipier garçon. Pendant un an je navigue à la fois avec Margaux en 420 et avec Doran Gouron, mon nouveau coéquipier pour le Nacra 15. On participe aux championnats du Monde en Espagne avec Doran et on termine 2ème. Ce titre de vice-champions du Monde permet à la France de se qualifier aux JOJ et de permettre à notre équipage de se qualifier par la même occasion.

Les Jeux olympiques de la Jeunesse auraient pu être une aventure terrible pour toi. Explique nous comment s’est passée cette mésaventure qui s’est transformée en médaille d’argent. 

Deux semaines avant notre départ en Argentine, Doran démissionne pour raisons personnelles. Je passe par différents stades émotionnels car la France étant qualifiée il fallait impérativement présenter un bateau avec le barreur de remplacement. Il a fallu obtenir une dérogation en urgence par la CIO (NDLR Comité international olympique) pour avoir la satisfaction de pouvoir partir et participer à cette belle compétition. C’était difficile de prendre des repères avec Titouan Pétard mon nouveau coéquipier au dernier moment. Finalement, cela c’est extrêmement bien passé et nous avons été assez performant puisque nous avons terminé à la seconde place.

Tout au long de la compétition nous avons dû gérer trois heures de transport entre le village olympique et le site de compétition. C’était un peu fatigant. Le spot était considéré comme très venteux ce qui était sur le papier difficile à compenser pour notre équipage très léger par rapport aux étrangers. On partait avec un peu d’appréhension.

On a gagné la première manche avec 3 minutes d’avance. Puis, au fur et à mesure de la compétition on termine 4ème la veille de la finale. Le dernier jour on termine 1er de la dernière manche ce qui nous permet de terminer 2ème de la compétition et d’être sacré·e·s vice-champion·ne·s olympiques de la jeunesse. C’était un super moment partagé avec ma famille qui a pu faire le déplacement.

En 2024, tu auras 23 ans. Penses-tu à ta participation aux Jeux olympiques de Paris ?

En 2020, j’y ai fortement pensé car j’étais encore en série olympique. Mais comme je suis en match racing cette année, la question ne se pose pas. Aux JO de Londres les séries match-racing était encore au programme mais elles ont disparues aux JO de Rio. Rien n’est fermé, les supports présents aux jeux évoluent à chaque olympiade. Mon objectif est avant tout de continuer à naviguer sur différent supports au plus haut niveau possible et pourquoi pas avoir la possibilité de retourner vers l’olympisme.

La voile n’est pas un sport très médiatisé et il est très coûteux. Comment arrives-tu as gérer les différents coûts que cela occasionne? 

Jusqu’en 2020, j’avais des sponsors mais avec le Covid et la crise sanitaire c’est assez compliqué pour les entreprises qui sont parfois en difficultés financières. Ma médaille d’argent aux JOJ m’a aidé au niveau fédéral. J’ai pu me faire un nom et de ce fait j’ai pu être aidée par la fédération qui met à disposition des entraineurs nationaux, des bateaux et des remorques. Nous avons la possibilité d’être encadré·e·s lors de nos séances de préparation physique généralisée. On a aussi un suivi médical, en nutrition et nous sommes suivi·e·s par un psychologue et en préparation mentale. Mais tous les consommables sont à la charge des sportif·ve·s : les bouts, les voiles, les poulies. Cela constitue un sacré budget.

En match racing les bateaux sont fournis par l’organisateur de la régate. À chaque duel, on change de bateau. On doit juste payer le petit matériel comme les bouts, les frais d’inscription, les déplacements et les hébergements mais il y a beaucoup de déplacements à l’étranger pour ce genre de compétition. On a moins de sponsors mais on peut partager les frais puisque nous sommes cinq sur le bateau.

Le budget pour nous défrayer s’élève à environ 30 000 € par an pour l’équipage mais cela n’inclut pas de salaire. Cette année j’ai dû trouver un emploi à côté pour continuer à faire de la voile. 

Comment arrives-tu à concilier le sport de haut niveau et les études universitaires ?

J’ai la chance d’avoir été admise dans un cursus assez unique en son genre à Sciences Po Paris. Il s’agit d’un certificat sportif de haut niveau (CSHN). Nous sommes dix élèves exclusivement sportif·ve·s de haut niveau dans ma promotion. Cela me permet de préparer une licence tout en ayant une scolarité adaptée à mon statut de sportive. Les frais d’inscriptions sont moins élevés que pour un· étudiant·e non sportif·ve. Ensuite, j’intégrerai un master. C’est un cursus assez exceptionnel, les emplois du temps sont adaptés. Les professeur·e·s sont à notre écoute, ils et elles se déplacent uniquement pour nous. Pouvoir concilier sport et études est très valorisé par nos professeur·e·s qui nous encouragent lorsque nous sommes en compétitions. En master, ce certificat n’existe plus. Je vais sans doute prendre une année de césure pour suivre une partie des cours en candidate libre.

Linda Ounas
06.04.2021

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