Simone Thiero
À la rencontre des sportives

Simone Thiero, une carrière dans le secret de son handicap

Aurélie Bresson
24.06.2020

Ancienne ailière droite de la sélection congolaise et du Toulon Saint-Cyr Var Handball puis au TV Nellingen, en Allemagne, Simone Thiero est une handballeuse professionnelle internationale reconnue des parquets des championnats français et allemands. Pourtant en 2018, elle décide d’arrêter complétement sa carrière. Deux années après, elle est prête à témoigner.

 

Une carrière à l’international 

A 27 ans, Simone Thiero a un parcours classique d’une handballeuse professionnelle, qui débute au pôle espoir jusqu’à intégrer une équipe internationale. « J’ai commencé le handball à l’âge de 10 ans au Massy Essonne handball ensuite je suis entrée au pole de Chatenet Malabry pendant le pôle de formation j’ai intégré l’équipe Issy Paris Hand et l’équipe de France jeune », raconte t elle. A 23 ans, la native de l’Essonne connaîtra sa première expérience à l’étranger. « Je m’étais dit sois je vais à l’étranger sois j’arrête. Je ne voulais pas partir ailleurs encore en France après Toulon. »

En Allemagne, pendant qu’elle était en stage dans l’équipe nationale, elle s’est blessée à la main. Une cassure, c’était le trop plein. « J’avais des propositions pour revenir en France, mais je n’avais pas l’envie j’avais trop mal physiquement »

 

« Pourquoi as-tu arrêté si tôt ta carrière » 

Simone a toujours continué ses études à côté de son statut de handballeuse professionnelle. « Je savais depuis très longtemps que je ne serai pas comme les autres et que je ferais un arrêt brutal. Physiquement je ne pouvais pas tenir après l’âge de 30 ans en temps que professionnelle ».

Car finalement il s’agit bien d’un handicap que Simone a, mais ne souhaitait pas prononcer.

« je ne me sentais pas différentes des autres filles sur le terrain »

Simone Thiero handballeuseLe 15 mars 1993 jour de sa naissance, elle a subit un accident médical, les séquelles d’une paralysie obstétricale du plexus brachial droit, durant l’accouchement. Une rotation externe de 60 ° à gauche pour -5° à droite. « Ceci est gênant dans la vie de tous les jours. Je fais de la rééducation mais rien ni fait. A l’Age de 7 ans nous décidons une intervention chirurgicale afin de retrouver une bonne rotation. Malgré l’intervention, je garde un déficit sur le bras droit et je dois aborder la vie avec ce handicap. » 

Ce qui concerne la vie de tous les jours elle a appris naturellement à tout compenser du côté gauche.  « A l’âge de 10 ans j’ai découvert les sports collectifs, tel que le handball et le Rugby. Vu ma situation, les médecins me disaient qu’il serait difficile pour moi de faire des sports collectifs plus tard, sachant que les bras seraient très sollicités. Malgré mon handicap j’ai découvert le sport, je me sentais épanouie et j’ai donc continué. Plus les années passaient, plus j’évoluais dans le domaine du handball. Tout d’abord j’étais sélectionnée dans les équipes départementales puis régionales. J’ai évolué très vite.

A l’âge de 14 ans j’ai commencé à côtoyer le haut niveau.  En intégrant un sport étude et cela pendant 4 ans. Durant cette période, j’ai fait des sélections en équipe de France jeune puis sur les 2 dernières années j’ai intégré un club de division 1.

Concernant mon handicap je ne me sentais pas différentes des autres filles sur le terrain. Personne n’était au courant, même si cela se voyait à ma façon de courir et ma façon de me tenir, je recevais quelques réflexions mais je ne ressentais pas le besoin d’en parler. »

A l’âge de 18 ans j’ai fini le sport étude, je signe mon premier contrat. A partir de ce moment j’ai commencé à ressentir ma différence, ce qui changeait avec la période où j’étais plus jeune, c’est que nous faisions beaucoup plus de musculation, tout ce qui est renforcement, abdos, gainage. Sachant que j’avais un bras presque mort je compensais beaucoup sur le côté gauche.

Tout au long de ma carrière j’ai joué comme ça, les préparateurs physiques savaient que je ne pouvais pas faire beaucoup de mouvement, mais je ne leur ai jamais clairement dis que j’étais handicapée. »

« les personnes ne se retrouvant pas dans le handisport, ne doivent pas voir leur progression remise en cause en raison de leur handicap. »

Simone Thiero handballeuse

 

L’omerta sur le handicap dans le haut niveau  

Pourquoi elle n’a jamais parlé de son handicap ?« Avec le recul dans ce milieu je me dis que plusieurs portes se seraient fermées sur moi, ma perspective de progression aura été remise en cause. Et les entraineurs que j’ai pu avoir ne se sont jamais assis avec moi pour me demander pourquoi je ne pouvais pas faire tel ou tel exercice. J’ai connu la moquerie et les réflexions. Donc je continuais mon petit parcours en gardant mes souffrances pour moi et passer beaucoup de temps chez les kinésithérapeutes aux moins trois fois semaines. C’était la seule chose que je pouvais faire afin de garder le rythme et ne pas accumuler les douleurs.

 J’ai voulu à plusieurs reprises abandonner le milieu professionnel. A 22 ans je côtoie le très haut niveau. J’ai été appelée par l’équipe nationale de la RDC pour participer au championnat du monde. Cela m’a motivé pour la suite, Et j’ai décidé d’aller jouer à l’étranger. J’ai intégré un club de Division 1 allemand. Quelques semaines après mon arrivée le staff se rend tout de suite compte que j’avais un déficit du côté droit et en discute avec moi. Après avoir jouer au handball pendant 13 ans c’était la 1ere fois que l’on cherchait à savoir ce que j’avais réellement. Et les d’adapter les exercices par rapports à la joueuse.  Cela m’a fait du bien de pouvoir en parler normalement. »

Aujourd’hui basée à Toulon, elle garde le rythme soutenu de ses séances de kiné : « Si j’avais eu des exercices adaptés dès le départ, ça aurait tout changé. Sans être dans le handisport. Franchement quand j’ai arrêté le handball, ça ne me manquait pas car j’avais vraiment mal physiquement. Je n’en pouvais plus. Mais je ne voulais pas d’une étiquette. »

Reconnue handicapée de moins de 80%, Simone a évolué avec des personnes aptes et a atteint le plus haut niveau ! Son message est fort : « Les personnes ne se retrouvant pas dans le handisport, ne doivent pas voir leur progression remise en cause en raison de leur handicap.» Les mentalités doivent évoluées.

 

Propos recueillis par Aurélie Bresson

Son interview est à retrouver dans le numéro 15 Les Sportives 

Aurélie Bresson
24.06.2020

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