Grâce Zaadi : « Avec la barrière de la langue, je ne peux pas placer mes petites blagues ! »
À la rencontre des sportives

Grâce Zaadi : « Avec la barrière de la langue, je ne peux pas placer mes petites blagues ! »

Mejdaline Mhiri
14.10.2020

Championnes du monde en 2017, championnes dEurope en 2018, les handballeuses françaises écrivent leur histoire. Sollicitées hors de nos frontières lors du mercato, plusieurs dentre elles ont rejoint de grands clubs européens engagés en Ligue des Champions. Quatrième et dernier épisode de notre série avec Grâce Zaadi, expatriée en Russie depuis deux mois.

Le 11 août, à cause d’un retard de visa lié à la crise sanitaire, Grâce Zaadi a enfin quitté Metz pour atteindre Rostov. Dans cette aventure, la néo-russe l’admet sans détour : « La vie sans Astride, c’est bizarre ! ». Quiconque suit le parcours de la demi-centre sait la complicité la liant avec Astride N’Gouan, pivot du Metz Handball et de l’équipe de France. Sur les réseaux, les deux acolytes chantent à tue-tête dans la voiture sur le chemin de l’entraînement, commentent l’actualité de Koh Lanta, lorsqu’elles ne dansent pas dans les vestiaires. « On s’appelle tous les deux jours, raconte l’internationale. A Metz, je n’avais pas que des coéquipières, j’avais des amies, comme Astride, Laura (Glauser), Méline (Nocandy), Ailly (Luciano)… Là, je m’entends bien avec les filles mais on n’a pas les mêmes délires. Avec la barrière de la langue, je ne peux pas placer mes petites blagues. Quand tu essaies de traduire, ç’est pas le même effet ! » (Rires).

 

Aya Nakamura dans les vestiaires

Les rituels d’avant-match sont également bouleversés. « Dans les vestiaires, ça ne danse pas…déclare-t-elle, frustrée. Sauf (Anna) Vyakhireva avec qui je m’entends très bien. Je m’ambiance toute seule avec mes écouteurs. Mais ce n’est pas le but à la base ! La musique, ça se partage. Pour me faire plaisir, les filles mettent des chansonsfrançaises. Comme du Aya Nakamura, parce que cest connu à linternational. »

Crédit photo : FFHandball / J.Schlosser.

Naturellement, la native de Courcouronnes (Essonne) évalue sa nouvelle vie à l’aune de la précédente. « Je suis pleinement heureuse de réaliser cette expérience. Mais c’est vrai qu’il y a des points positifs et d’autres négatifs, pose la Tricolore. Je suis restée dix ans à Metz donc je compare tout le temps. En terme de culture, de vision des choses, les deux clubs n’ont rien à voir. Rostov est certes un club qui s’impose en Ligue des Champions depuis quelques années (NDLR les Russes étaient finalistes la saison dernière) mais Metz a beaucoup plus de vécu, le fonctionnement y est très ancré. »

Dans une ville de plus d’un million d’habitants, à l’embouchure de la mer d’Azov, à 1000 kilomètres au sud de Moscou, le dépaysement est important. « Mon intégration dans l’équipe se passe bien tout comme mon adaptation à mon nouvel environnement. Je prends mes marques. Je suis surprise parce que, quand on pense à la Russie, on pense au froid, à la froideur des gens. Rostov nest pas du tout comme ça. Cest une ville agréable où il fait bon vivre avec beaucoup de restaurants et bars. Cest assez jeune même si je nai plus l’âge pour aller aux fêtes étudiantes ! » (Rires).

 

« Parfois, je sens que j’attise la curiosité »

Parmi les manifestants ces derniers mois pour protester contre les violences policières, Grâce Zaadi, unique joueuse noire de l’effectif, est attentive aux discriminations. « Cest une des premières questions que ma famille m’a posée, à savoir si je subissais du racisme, partage-t-elle. C’est présent dans mon esprit mais je peux le subir en Russie comme en France. Siraba (Dembélé-Pavlovic) qui a joué à Rostov, m’avait dit beaucoup de choses positives. Ici, j’ai vu qu’il y a avait une population noire mais très peu de femmes noires. Parfois, je sens que jattise la curiosité. Certains peuvent me regarder avec insistance, ce que je fais aussi du coup. Mais je n’ai pas ressenti de mépris. Je suis très détendue par rapport à ça. »

La boute-en-train des Bleues au bras droit sur-puissant et à la formidable vista est arrivée sur le tard dans son club mais a déjà vécu un début de saison riche en rebondissements. Alors qu’elle devait être un repère pour la Française, la gardienne Mayssa Pessoa s’est rompue les ligaments croisés à la fin de l’été. Début août, l’entraîneur espagnol Ambros Martin résiliait son engagement pour se rapprocher de sa famille. « On est restés cinq semaines avec l’adjoint sans pouvoir réellement bosser. C’est très long. A titre personnel, j’ai l’impression de ne pas avancer, de ne pas avoir encore démarrer cette aventure sur le plan du handball.[1]»

C’est également à un nouveau rythme de compétition que l’athlète de 27 ans doit s’adapter alors que son collectif a remporté deux confrontations en Ligue des Champions et a concédé un nul à domicile. « Le niveau de la Ligue Butagaz Energie est nettement supérieur au championnat russe, juge-t-elle. Ici, il ny aura que contre deux équipes que les matchs seront intéressants. En France, on jouait tous les trois jours et nous devions être bonnes tout le temps. On ne pouvait pas se relâcherau risque de perdre des points. Là, davoir un match en semaine qui ne sert à rien, ça me fait bizarre. Ca explique probablement la fraîcheur de certaines équipes en Ligue des Champions. » Réponse samedi à 16h face à ses anciennes coéquipières. 

 

Propos recueillis par Mejdaline Mhiri

 

Le match Rostov vs Metz samedi 17 octobre à 16h est à suivre Eurosport Player. 



[1]Cet interview a été réalisé le 29 septembre à la Maison du Handball lors d’un stage des Bleues.

Mejdaline Mhiri
14.10.2020

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