Céline Calvez porte la loi Démocratiser le sport en France
À la rencontre des sportives

Céline Calvez : « On ne peut pas se satisfaire de ce qu’a fait le Sénat »

Claire Smagghe
31.01.2022

Députée LREM de la cinquième circonscription des Hauts-de-Seine Clichy-Levallois, Céline Calvez porte le projet « Démocratiser le sport en France ». Après l’adoption en première lecture à l’Assemblée nationale, le projet a été débattu et amendé au Sénat. Une commission mixte paritaire s’ouvre ce lundi 31 janvier. Entretien avec la rapporteure sur les mesures liées à la gouvernance et à la féminisation des instances, retravaillées ou supprimées par la chambre haute du Parlement.

 

Les Sportives : Le 26 janvier 2021, vous avez déposé avec des collègues parlementaires la loi « Démocratiser le sport en France ». Qu’est-ce qui vous a conduit à porter, en tant que rapporteure, ce projet ?

Céline Calvez : Au départ, cela devait être un projet de loi, puis il n’est jamais arrivé. Parallèlement, il y avait des travaux sur la gouvernance des fédérations et de la gouvernance du sport, et j’avais cosigné une autre proposition de loi « Faire de la France une nation sportive ». On avait la volonté de rassembler les dispositifs portés par les différentes propositions de loi et la promesse de 2017 (NDLR, promesse de la campagne électorale d’Emmanuel Macron) dans une proposition très courte pour qu’elle puisse être accrochée à l’ordre du jour. Il fallait donc se limiter à un certain nombre d’articles, qui pourraient ensuite être enrichis à l’Assemblée nationale ou au Sénat : la pratique pour toutes et tous, redéfinir le cadre de la gouvernance des instances et conforter le modèle économique sportif.

Un an après, et suite à l’adoption par l’Assemblée nationale en première lecture, quel regard portez-vous sur les modifications qui y ont été apportées par le Sénat ?

On est partis de 12 articles. Maintenant, on est à 85. Il y a des choses intéressantes dans l’approfondissement de ce qu’on avait proposé. C’est le cas pour l’inscription des maisons sport santé, ou encore au sujet de la sphère scolaire. Par contre, il y a des reculs sur la parité, sur le nombre de mandats que peuvent avoir les président·e·s de fédérations. Il y a aussi des considérations qui n’ont rien à faire dans le cadre de cette loi, notamment sur la question de la laïcité.

On a déjà beaucoup échangé au moment des discussions sur la loi confortant les principes de la République. On est en discussion sur des points qui, pour nous, s’ils ne sont pas réglés lors de la commission mixte paritaire, feront échouer cette étape de discussion entre les sénateur·trice·s et les député·e·s.

La première version de la loi, adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale, renforçait considérablement la parité dans les instances dirigeantes, la faisant passer de 40 % à 50 % à l’échelle nationale mais aussi régionale. Suite aux modifications réalisées par le Sénat, qui repousse cette parité à 2028 et amoindrit la représentation, où en est-on aujourd’hui ?

On va faire une autre proposition pour pouvoir être exigeant·e·s sur la parité. On ne peut pas se satisfaire de ce qu’a fait le Sénat. Non seulement c’est un recul, mais en plus ça complexifie le système.

La loi initialement proposée allait encore plus loin puisqu’elle proposait que les président·e·s de fédérations, de comités régionaux et de ligues professionnelles verraient leur exercice limité à trois mandats. Cela ne vous donne-t-il pas le sentiment qu’un point central du chapitre sur la gouvernance a complétement été vidé de son sens ?

Les sénateur·trice·s l’ont carrément supprimé dès la commission. Pour nous, c’est un véritable gage d’oxygénation des instances, pas seulement pour la féminisation mais aussi parce que le renouvellement est sain. Que chacun·e puisse s’engager à diriger une fédération, à être dans le bureau. C’est d’ailleurs des discussions que l’on a menées pour la sphère politique. On avait bien senti qu’il y avait des soucis, avant même qu’éclatent des scandales de violences sexuelles dans les fédérations, qu’il y avait une certaine omerta. Si on prend le patinage… en 22 ans à la tête de la fédération, on a le temps de mettre un certain nombre de choses sous le tapis.

Les sénateur·trice·s se targuaient qu’il y avait eu pas mal de changements de présidences dans les derniers renouvellements, donc il n’y avait pas besoin de limiter. Nous ne sommes pas d’accord. Ce qui est de l’ordre du contexte ne doit pas empêcher de mettre des garde-fous. Le bureau du CNOSF est aujourd’hui paritaire, mais demain, s’il ne l’est plus ?

À votre avis, l’avis rendu par le CNOSF a-t-il influencé le débat au Sénat ?

Il a contribué à son enrichissement, en dehors du point sur la parité ou le cumul. Je pense que le CNOSF a été contre les dispositions de la parité d’une manière assez franche. Il y a des choses qui ont été faites récemment par Brigitte Henriques et qui vont dans le bon sens, mais cela ne veut pas dire qu’on ne doit pas rester exigeant·e pour que cela devienne un objectif. J’ai été profondément déçue.

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Un nouvel amendement vient désormais alimenter les débats. Les sénateur·trice·s souhaitent étendre la loi laïcité et qu’elle s’applique aux compétitions sportives. Ce jeudi, le journal L’Équipe indiquait dans l’un de ses articles : « Afin de trouver un accord avec leurs collègues de l’Assemblée, ils sont prêts à faire des concessions sur les deux autres sujets sensibles de la loi à savoir : accepter l’interdiction de faire plus de trois mandats pour les présidents de Fédérations et la parité quasi intégrale dans les instances sportives à partir de 2024. » La place des femmes dans les instances sportives est-elle tout simplement devenue une monnaie d’échange ?

Je ne suis même pas sûre que ce soit une monnaie d’échange. Je pense qu’ils sont hypers focalisés sur cette interdiction parce qu’ils veulent l’instrumentaliser. Concrètement, quand on entend les propos qui ont été tenus lors de la séance sur la parité, il y a vraiment une aversion pour ce type de dispositifs. Pour eux, c’est de la discrimination positive. Moi je dis que l’on compense tous les obstacles que rencontrent les femmes dans le monde du sport en mettant en place ce type de dispositifs. On est vraiment dans une logique de donner les moyens.

Ils mettent quelque chose dans la loi qui n’a rien à voir avec le propos. Il y a une vraie différence entre l’Assemblée nationale et le Sénat : la capacité à pouvoir déposer des amendements plus ou moins détachés du texte. À l’Assemblée nationale, il y a une notion assez stricte sur la recevabilité des amendements. Au Sénat, il y a une plus grande largesse.

La commission mixte paritaire va s’ouvrir ce lundi. Qu’attendez-vous finalement de ces débats autour de la loi sport ?

Très concrètement, j’espère encore qu’on arrive à quelque chose de conclusif. J’ai envie qu’on y arrive, parce que sur beaucoup de choses on est d’accord, même si je préfère que l’on aille jusqu’au bout même si ce n’est pas rassembleur. Si la commission mixte paritaire échoue, les discussions seront réouvertes, en nouvelle lecture dès mercredi. Si on se met tous et toutes d’accord lors de la commission mixte paritaire, on votera certainement la dernière semaine de février.

Propos recueillis par Claire Smagghe

Claire Smagghe
31.01.2022

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