Récit

Le cyclo-cross féminin, un domaine néerlandais

Johan Beausergent
13.02.2023

À l’occasion des championnats du monde de cyclo-cross à Hoogerheide (Pays-Bas) le cyclisme féminin a assisté à une nouvelle domination néerlandaise. Il en était déjà de même la semaine précédente, lors de la dernière manche de Coupe du monde de cyclo-cross à Besançon (25). Comment expliquer cette ultra domination néerlandaise dans l’ensemble des courses de cyclo-cross féminines ?

Le 29 janvier dernier, lorsque Puck Pieterse, championne du monde espoir de 20 ans, termine en tête la dernière manche de coupe du monde, c’est un sentiment de répétition qui règne sur le circuit de la Malcombe de Besançon. Une Néerlandaise en tête, suivi de deux autres pour compléter le podium. La nation orange a très clairement la mainmise sur le cyclo-cross féminin. Une telle domination d’un pays est déjà arrivée dans l’histoire du sport, notamment lorsqu’une discipline est encore en phase de développement, et que les structures concurrentielles ne sont pas encore totalement développées.

L’Union cycliste internationale (UCI) avait lancé en 2013 une commission sous l’égide de Tracey Gaudry, son ancienne vice-présidente, pour développer la pratique féminine du cyclisme. Le développement de cette commission s’est principalement centré sur le cyclisme sur route, mais a tout de même conduit à un élargissement des disciplines cyclistes annexes pour l’ensemble des disciplines féminines. Cette commission a été supprimée en 2021. Michel Callot, président de la fédération française et membre du comité directeur de l’UCI, justifie cette fermeture par le fait que le cyclisme au féminin est « pleinement intégré dans toutes les disciplines du cyclisme ».  Il lui semble « plus performant d’aborder le cyclisme féminin à travers toutes les disciplines » plutôt qu’une seule commission générale, moins tournée sur chaque spécialité.

« Les teams ne favorisent pas l’intégration du cyclo-cross aux Jeux olympiques »

Ainsi, le cyclisme au féminin serait sur la bonne voie. Mais des fortes disparités sont encore présentes, avec notamment les différentes « teams ». Les teams sont des équipes privées qui facilitent l’accompagnement de leurs sportifs et sportives, les déplacements sur les épreuves, les remboursements des coûts, et bien sûr, les entrainements. À l’occasion des manches de coupe du monde, plusieurs dizaines de cyclistes ont justement pu concourir sans team privée, souvent accompagnées par leur fédération nationale. L’espoir français de 19 ans, Line Burquier, championne de France 2022 de cyclo-cross, fait partie de ces athlètes. Elle juge suffisant l’accompagnement que lui fournit l’équipe de France. Elle indique même ne pas penser que « cela soit une véritable différence » comparé à une team, et considère que la différence d’accompagnement se justifie entre les performances qui « claque une coupe du monde et quelqu’un qui ne finit pas ses tours ».

Michel Callot lui-même pose la question de savoir s’il faut remédier à cette inégalité d’accompagnement. Les teams ont concentré la discipline sur un axe Belgique-Pays-Bas, ne favorisant pas une ouverture mondiale, et n’étant pas un atout pour faire du cyclo-cross une future discipline olympique. Il soutient justement les profils comme Line Burquier, qui réussissent à « trouver les conditions » pour accomplir un parcours multidisciplinaire (VTT notamment).

© 53×11.studio

Une question de culture

Si Fem Van Empel a été sacrée à la fois au classement de la coupe du monde, mais aussi lors des championnats du monde, c’est également une question de culture vélo. Le petit pays du Bénélux façonne des championnes sans rivalité, puisqu’au classement général de la coupe du monde, 9 sportives du top 10 sont néerlandaises. Cet aspect culturel est retracé dans le film « Together we cycle » du néerlandais Gertjan Hulster, qui explique, en retraçant la politique des dernières décennies du pays, comment la pratique du vélo est devenue un élément à part entière de la culture néerlandaise. Dès leur plus jeune âge, les enfants néerlandais se rendent à l’école sur le deux-roues et les aménagements urbains ont été pensés dès les années 70-80 pour permettre l’installation de pistes cyclables sécurisées, desservant les différents quartiers des principales villes.

On trouve à la fois des garages à vélo, mais également des autoroutes cyclables appelées Langeafstand Fietsroutes (LF-routes) qui permettent de relier les principales villes du pays. Ces routes représentent plus de 3 300 km de pistes, auquel s’ajoute le réseau cyclable classique. Bien qu’il soit compliqué de comptabiliser le nombre exact de kilomètres de pistes cyclables néerlandaises, ce nombre est estimé à plus de 18 000 kilomètres. À titre de comparaison, 18 848 km d’itinéraires cycliste sont aménagés dans l’Hexagone, selon France vélo-tourisme, alors que la superficie de notre pays est douze fois supérieure. Les Pays-Bas possèdent plus de vélos que d’habitants, et en moyenne, un Néerlandais accompli huit fois plus de kilomètres annuels qu’un Français. Le relief, le vent et la température ne sont donc pas des facteurs qui jouent sur la pratique du vélo. Ainsi le cyclisme néerlandais risque encore d’être au top pour de nombreuses années dans les différentes disciplines mondiales.

 

Puck Pieterse lors de sa victoire à Besançon. © 53×11.studio

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Johan Beausergent
13.02.2023

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