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L’arbitrage, « l’école de la vie » des soeurs Bonaventura

Assia Hamdi
09.01.2017

Premières femmes à avoir arbitré une finale olympique, en 2012, les soeurs jumelles Julie et Charlotte Bonaventura sifflent depuis l’âge de 15 ans sur les terrains de hand. Arbitres en Ligue Nationale de Handball et en Ligue Féminine de Handball, elles ont aussi multiplié les expériences lors de matches internationaux chez les filles.

Le palmarès arbitral des jeunes femmes impressionne, mais les frangines de 36 ans ont encore de beaux défis devant elles. A commencer par le Mondial de hand 2017 : les soeurs Bonaventura seront la première paire féminine à arbitrer dans l’histoire de cette compétition.

 

Arbitrer avec sa soeur jumelle, un véritable atout

Tout au long de leur carrière, ce lien qui unit Julie et Charlotte Bonaventura a été un avantage sur le terrain. “Durant un match, les arbitres doivent agir de façon uniforme, explique Julie. On a joué ensemble et arbitré ensemble depuis quinze ans, on a la même réaction à chaque situation. » Cela leur donne une force supplémentaire face aux joueurs, aux entraîneurs et au public. “Il n’y a pas de faille entre nous. Lors d’un match, on est soudées quoiqu’il arrive”, ajoute Charlotte. Cette connivence est précieuse en cas de galère. ”Il est arrivé que notre kit oreillettes tombe en panne, se remémore Julie. Et on a quand même réussi à communiquer avec des petits gestes. Et à se faire comprendre.”

Un parcours né d’une passion commune pour le hand

L’été de leur huit ans, Julie et Charlotte Bonaventura participent aux activités multisports proposées aux jeunes par leur ville natale, Aubagne. Tennis, basket, voile, équitation, les petites filles testent un panel large de disciplines. Vient le handball…et c’est une révélation. “On est tombées amoureuses du hand, se souvient Julie. A la fin de l’été, on s’est inscrites au club d’Aubagne.” À leurs quinze ans, elles font connaissance avec leur deuxième passion. “Quand on faisait des tournois avec le club, l’équipe qui ne jouait pas devait fournir deux arbitres.” Les deux filles rechignent au départ. “Quand on est jeune, on n’a pas trop envie de jouer le rôle du méchant”, analyse Charlotte. “Lorsque c’est tombé sur nous, on a remercié nos copines”, ironise sa soeur dans un rire. Non, au début, on aimait pas du tout.” Et puis, de fil en aiguille, une passion est née. “Notre entraîneur de l’époque nous a offert un livret d’arbitrage, on s’est prêtées au jeu.”

« Mes vacances, je les utilise pour l’arbitrage »

Un engagement prenant, mais des expériences marquantes

Petit à petit, les sœurs prennent leur envol dans l’arbitrage. A force de travail, elles accèdent à la première division nationale et arbitrent à la fois filles et garçons. Viennent ensuite les expériences internationales avec les Mondiaux féminins de 2009 et 2011. Puis, plus récemment, les finales successives de Ligue de Champions, de l’Euro 2014 et du Mondial au Danemark l’année suivante. Mais dans tous ces souvenirs, la plus belle expérience, c’est celle des Jeux olympiques, à Londres, en 2012 puis à Rio, en 2016. “La première fois, à Londres, on se sentait comme des enfants à Disneyland. C’était le rêve absolu, les plus belles semaines de notre carrière.”

 

Pour pouvoir vivre des moments précieux de ce type durant vingt ans, les soeurs Bonaventura ont aussi appris à jongler avec leur carrière professionnelle. “On posait des congés tant qu’on le pouvait, raconte Julie, ingénieure informatique en reconversion professionnelle. “Mes vacances, je les utilise pour l’arbitrage, avoue Charlotte, salariée d’une caisse de retraite. Il ne me reste que cinq jours dans l’année pour moi toute seule.” Malgré ces contraintes, arrêter l’arbitrage leur est inconcevable. “Quand on a une passion chevillée au corps, c’est dur de s’en défaire”, résume Julie. Leur carrière leur a apporté beaucoup. “On a rencontré des personnes de tous horizons. On a été dans des pays qu’on n’aurait jamais visité…ce fut une chance inouïe.” L’arbitrage a permis à Charlotte de “relativiser beaucoup de choses et de mieux appréhender les conflits”. Très “timides” au départ, les jumelles ont aussi développé leur personnalité. Partager toutes ces expériences avec sa sœur a rendu les choses encore plus belles. “Je n’aurais pas pu faire ça avec quelqu’un d’autre qu’elle”, admet Julie Bonaventura.

Dans l’arbitrage, “changer les mentalités prend du temps”

Footing, interval training…en ce moment, les sœurs sont en pleine préparation physique pour le Mondial de handball en France. Au cours de leur carrière, au niveau national, les soeurs Bonaventura ont arbitré des matchs masculins au niveau national mais seulement féminin au niveau international. “Longtemps, on ne pouvait pas prétendre à autre chose. Mais ça évolue dans le bon sens.” Leur nomination au Mondial de hand est donc une reconnaissance de leur compétence.

“La fédération internationale s’est rendue compte que même une finale de mondial féminin était trop simple pour nous. Qu’il nous fallait quelque chose de plus difficile.” Les choses auraient-elles été plus faciles si Julie et Charlotte Bonaventura avaient été des hommes ? “Notre évolution aurait sans doute été plus rapide.” Selon Charlotte, leur nomination “fait changer les lignes”, mais “changer les mentalités prend du temps”. Armées de leur vécu, elles transmettent leur expérience à la future génération. “On leur explique l’importance de conserver le plaisir d’arbitrer, insiste Charlotte. Et que c‘est une sacrée école de la vie.” Et aux filles ? “On leur dit qu’il faut être fortes mentalement car les critiques sont importantes, ajoute Julie. Mais que ça forge le caractère. Dans l’arbitrage, l’escalier est parfois long et tortueux mais ca vaut le coup de s’accrocher.”

Propos recueillis par Assia Hamdi

Assia Hamdi
09.01.2017

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