À la rencontre des sportives

« Ma course au bonheur » de Marion Delas

“MA COURSE AU BONHEUR”

Julien Legalle
06.10.2018

En juin 2018, Marion Delas a achevé un quintuple Ironman ! 3.8 km de nage, 180 km à vélo et 42 kilomètres de courses par jour pendant cinq jours ! Sur sept participants, elle sera la seule à l’achever. Dans « Ma course au bonheur » (éditions Chistera), elle nous transmet sa passion pour les courses de l’extrême et son engagement contre la mucoviscidose. Rencontre avec une athlète au grand cœur qui a su redonner un sens à sa vie par la pratique sportive.

Pourquoi avez-vous écrit ce livre ?

J’ai toujours aimé écrire. Je tiens des carnets depuis l’âge de treize ans.  Depuis plusieurs années, j’anime le blog triathlonforfun sur lequel je raconte mes aventures, ce que j’apprends sur moi-même.  C’est devenu un fil conducteur. Il y a un an et demi, j’ai commencé à écrire ce livre mais au bout d’une centaine de pages, j’étais bloquée. J’avais l’impression que ce que j’écrivais n’aller pas intéresser les lecteurs. Pourtant ce besoin d’écrire était persistant. A ce moment, Jean-Damien Lesay, des éditions Chistera, a découvert mon blog et m’a proposé d’écrire un livre sans savoir que j’avais déjà une centaine de pages ! En moins de trois mois, j’avais écrit la suite et la fin du livre. J’espère qu’il aura du sens pour les gens, qu’il sera utile. Mon objectif est de toucher au moins une ou deux personnes. 

Comment passet-on de l’athlétisme aucourses extrêmes ?

J’ai pratiqué l’athlétisme pendant quinze ans et j’étais tropattachée à la performance et à la compétition. Il fallait faire toujours plus, toujours mieux. Peu importe le résultat, je n’étais jamais satisfaite. J’ai rencontré quelqu’un qui faisait un ironman. En une année, je suis passée du 800m au triathlon et à l’ironman. Ce fut un déclic. 

Ce déclic a-t-il eu un impact sur votre vie professionnelle ? 

La relation entre ma vie sportive et professionnelle était complétement liée. Au moment où je suis passée de l’athlétisme au triathlon, j’ai décidé de changer de vie. J’étaiscommerciale à l’internationale comme responsable des zonesAmérique latine et Europe. C’était un sentiment étrange.J’avais 25 ans, ma situation professionnelle faisait rêver tout le monde. Je voyageais, je gagnais bien ma vie, je roulais en belle voiture, pourtant, je n’étais pas heureuse. Cette carrière toute tracée ne me correspondait pas. Les courses m’ont aidéeà me couper de cette vie, car pendant des épreuves de 14 ou 60 heures, on oublie qui on est socialement, et on s’accroche à l’essentiel. Je découvre une force que je n’imaginais pas, des ressources insoupçonnées. Grâce à elles, j’ai pu changer de vie et définir un nouveau projet. 

Votre vie bascule aussi grâce à la rencontre d’un petit garçon.

Après l’Ironman de Nice et le Paris-Brest-Paris, je m’inscris au Celtman. C’est une loterie et je suis sélectionnée. Dans la liste des participants, je découvre qu’un autre français, Jérôme, y participe et je décide de le contacter. Nous découvrons que nous habitons à seulement quarante kilomètres de distance ! Il court pour l’association Vaincre la mucoviscidose. Lors d’une soirée qu’il organise, je rencontre la famille du petit Jocelyn, six ans, atteint de la mucoviscidose. Convaincue par la cause et cette rencontre incroyable, je décide également de participer au double Ironman, le défi marandais au profit de l’association. Je voulais que ce petit garçon participe à sa manière à la course et en faisant des recherches, j’ai découvert la vidéo d’une éducatrice en activité physique adaptée. Pour moi, ce fut unchoc, car après des mois à trouver mon chemin de vie je venais de découvrir mon futur métier.

Couverture « Ma course au bonheur » livre de Marion DelasEn quoi consiste-t-il ?

Les éducateurs en activité physique adaptée interviennent dans des associations ou hôpitaux auprès des personnes en situation de handicap ou atteintes de pathologies. Auparavant, on indiquait à ces patients que leur état était incompatible avec le sport. Aujourd’hui, nous sommes dans l’idée inverse. Ils doivent faire de l’activité physique pour améliorer leur santé. Les soignants essaient de les réconcilier avec l’activité physique  en leur faisant faire de la marche, du jardinage…L’objectif est de leur rendre cette capacité perdue et leur redonner du lien social afin de retrouver un bien-être. 

Une vie pour aider les autres à faire du sport ?

Au-delà du sport, je dirais plutôt mettre son corps en mouvement. C’est plutôt la réconciliation de notre corps et sa mise ne mouvement pour un bien-être mental. Tout est lié. Je peux comprendre que toute le monde ne puisse pas aimer le sport. En revanche, aller chercher son pain à pied ou à vélo, être automne, être indépendant, nous rend heureux. Ce rapport au corps, nous l’avons oublié. Nous sommes plus inactifs, sédentaires qu’auparavant car nous passons notre temps devant les écrans. 

Quel a été le défi le plus dur à surmonter ? 

Cette année, j’ai participé à un quintuple Ironman en cinq jours ! Je devais faire 3.8 km de nage, 80 km à vélo et 42 kilomètres de courses par jour pendant cinq jours ! Un effort d’environ 15-16 heures par jour. Nous étions sept participants, j’étais la seule femme et je suis la seule à avoir terminé cette épreuve ! Je suis allée au bout pour soutenir l’association Vaincre la mucoviscidose. Pour terminer ce type d’épreuve, il faut que la course ait du sens. C’est sans doute la course la plus difficile de toute ma vie mais le défi le plus dur psychologiquement à surmonter fut le Paris-Brest-Paris. J’étais au plus mal dans ma vie. J’étais encore commerciale, je n’arrivais pas à quitter ce travail, ni mon compagnon de l’époque. C’était très dur car pour mes proches, je ne devais pas me plaindre car j’avais une situation professionnelle parfaite. Avant le départ de cette course, j’avais l’impression de ne plus avoir de valeurs, d’être nul, d’être une merdre… Cette course fut libératrice. La douleur physique effaçait ma douleur psychologique. Elle m’a donnée beaucoup de force. J’ai rencontré des gens adorables. J’avais l’impression de me vider des mauvaises choses pour me remplir de quelque chose de plus lumineux. J’ai quitté emploi et compagnon quelques semaines après la course. 

Vous êtes également très active sur Internet, notamment sur les réseaux sociaux et le blog. Comment les utilisez-vous ?

J’avoue que je ne suis pas à l’aise avec le phénomène de blogueurs et d’influenceurs. Parfois j’ai envie de tout effacer et d’arrêter mais j’en ai besoin. Je partage mon expérience, ma vérité. La magie du web vient lorsqu’une personne atterrit sur ma page par hasard et qu’elle va être boostée par une photo ou un témoignage. Je suis toujours partagée entre les utiliser en tant que professionnelle ou selon mon intuition. Jusqu’à présent, je suis mon intuition.

Quels sont vos projets ?

J’arrive à la fin de ma saison sportive donc je vais couper trois-quatre mois d’autant que je ne suis pas une grande fan d’entraînement. Je me vais me laisser porter par des rencontres, des projets. Professionnellement, je vais me focaliser sur mon année universitaire en STAPS et je suis à la recherche d’un stage auprès des enfants atteints de cancer. Je sais que peu de personne choisissent cette spécialité mais je suis déterminée à mener une action auprès de ces patients, donner un sens à mon activité. 

 

Propos recueillis par Julien Legall 

Extrait du numéro 10 Les Sportives 

Julien Legalle
06.10.2018

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