Le texte de loi Démocratiser le sport en France sera débattu au Sénat, le Comité national olympique y est défavorable
Dossier

À contre-courant, le Comité national olympique défavorable à une parité parfaite dans les instances dirigeantes

Claire Smagghe
22.12.2021

La proposition de loi visant à démocratiser le sport en France, adoptée en première lecture à lAssemblée nationale le 19 mars 2021, sera débattue au Sénat à partir du 5 janvier. Ce texte impose une parité stricte dans les instances dirigeantes à l’échelon national et régional. Dans son communiqué publié mardi, le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), qui représente les 108 fédérations sportives, indique y être défavorable.

La proposition de loi portée par Céline Calvez « Démocratiser le sport en France », déjà adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale, porterait la parité de 40 % à 50 % dans les instances dirigeantes, à l’échelle nationale mais aussi régionale. Le projet de loi limite également à trois le cumul des mandats à la présidence d’une fédération, d’un comité régional ou d’une ligue professionnelle. Une petite révolution pour la parité.

 

Ce nouveau projet de loi entend favoriser la féminisation dans les instances dirigeantes et inciter les femmes à prendre leur place. Le CNOSF, qui compte 15 femmes et 33 hommes dans son conseil d’administration, a émis un avis défavorable sur ces modifications de gouvernance.

Ne pas imposer de nouvelles contraintes aux instances locales en mal de bénévoles est l’argument principalement avancé. C’est aussi l’ingérence dans les affaires internes des fédérations qui est pointée, en imposant de fait des modifications statutaires. Le CNOSF rappelle en même temps, à deux reprises dans son communiqué, être « favorable et pleinement engagé sur la parité et sur le renforcement de la démocratie »

Renverser les trajectoires

Cette position questionne. D’autant que les échéances électives sont prévues à moyen terme : en 2024 pour les fédérations relatives aux sports d’été, en 2026 pour les sports d’hiver. De quoi laisser le temps pour former et s’organiser. « Quel message envoie-t-on aux jeunes femmes ? Arrêtons d’être hypocrites. Pour une fois, on a une ministre qui veut aller loin et vite sur la féminisation. Maintenant, ce sont les dirigeant·e·s du sport qui freinent », rétorque, agacée, Béatrice Barbusse, sociologue du sport et vice-présidente de la Fédération française de handball.

 

Pour bousculer l’ordre établi, la contrainte législative a déjà fait ses preuves. « Il y a une réalité de la vie associative sportive locale qui ne permet pas davoir une parité, c’est vrai. Mais la loi, et cest prouvé avec celle de Najat Vallaud-Belkacem en 2014, si elle contraint, peut pousser à sorganiser et à atteindre cette parité. Il faut quelle prenne en considération cette réalité en proposant un calendrier pour atteindre cet objectif », argumente Emmanuelle-Bonnet Oulaljd, qui préside la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT) et la représente au sein du CNOSF.

Limiter le cumul des mandats

La proposition de loi est encore plus ambitieuse sur la nécessité d’une représentation dite « miroir », à l’image de la société. Les président·e·s de fédération, de comité régional et de ligue professionnelle verront leur exercice limité à trois mandats. Bon nombre de présidents devront alors mettre un terme à leur carrière politique lors des prochaines élections. C’est le cas pour le septuagénaire Serge Lecomte, président de la Fédération française d’équitation, réélu pour un cinquième mandat en avril. Ou encore, Jean-Pierre Siutat, membre du conseil d’administration du Comité national olympique, qui a pris les rênes de la Fédération de basket-ball en 2010, et réalise son troisième mandat.

 

Une proposition également rejetée par le CNOSF. Pourtant, cette mesure semble largement s’éloigner de contraintes de terrain soulevées par l’instance, les candidat·e·s à la présidence ne manquant pas à l’appel. L’incompréhension est d’autant plus importante que le non-cumul des mandats permettrait à de nouvelles figures, notamment féminines, de prendre part aux instances décisionnaires. Les 108 fédérations ont été consultées au sujet du projet de loi et proposent une limitation à quatre mandats. « Toutes les fédérations nont pas soutenu ces déclarations. Je ne sais même pas où cela a été voté. Le communiqué est évasif, volontairement je pense, lance Béatrice Barbusse. On peut tout imaginer. »

Une portée modérée

Dans le même temps, le CNOSF poursuit son programme « Dirigeantes » pour accompagner les femmes qui souhaitent s’investir dans des missions à hautes responsabilités. Une volte-face et surtout beaucoup d’incompréhension pour celles et ceux qui se battent pour la féminisation des instances. « Le plus cynique là-dedans, c’est que j’ai animé un webinaire de France Olympique1France Olympique est le nom de compte Twitter du Comité national olympique et sportif français. dont est ressorti que là où il n’y a pas de loi, il n’y a pas de parité », lance Vanessa Le Moigne sur son compte Twitter.

 

Si l’avis rendu n’est pas contraignant, il peut néanmoins influencer. « Nous avons entendu le CNOSF, nous resterons exigeants. Nous échangerons avec mes collègues parlementaires dans les jours qui viennent », a indiqué la député Céline Calvez. « 25 propositions d’amendements seront présentées aux parlementaires et au gouvernement », c’est ce que propose le Comité olympique pour faire évoluer le projet de loi, sans pour autant en préciser la teneur dans son communiqué. Sonneront-elles le glas de la petite révolution annoncée par le texte initial ?

Propos recueillis par Claire Smagghe

À lire aussi : Étude : Le sport au féminin compte plus de 12 millions de fans

Notes

  • 1
    France Olympique est le nom de compte Twitter du Comité national olympique et sportif français.
Claire Smagghe
22.12.2021

Vous avez relevé une coquille ou une inexactitude dans ce papier ?
Proposez une correction à notre rédaction.